Par Francesco Bonfio, président de l’AEPI (Associazione Enotecari Professionisti Italiani)
Créditphoto : M. Marco Zamperini Siena
Septembre étant terminé, je vais m’essayer à dresser un bilan de la situation des cavistes italiens après sept mois de crise sanitaire.
Les situations sont très contrastées. Car les cavistes italiens eux-mêmes sont tous très différents.
En effet, nous distinguons déjà deux catégories de cavistes, qui justifie qu’en italien le terme caviste se traduit par deux mots : les “enoteca”, qui correspond aux cavistes qui tiennent un magasin de vins, et les “enoiteca” auxquels sont ajoutés un bar à vin.
Ensuite, les situations différent selon que le caviste est situé dans une grande ville, dans une petite ville, en pleine campagne, dans un lieu de vacances (mer ou montagne) ou dans une ville d’art à forte présence touristique.
Pour les cavistes traditionnels, la saison s’est globalement bien déroulée. Ils ont travaillé comme en 2019 ou même davantage grâce au fait que de nombreux clients ont transféré leur consommation de la restauration vers les habitations.
Les cavistes se sont équipés depuis le confinement pour réaliser des ventes en ligne et assurer la livraison à domicile.
En revanche, ceux qui parmi les cavistes traditionnels ont souffert, ce sont ceux des grandes villes touristiques. En 2020, il n’y a pas eu d’Américains, de Russes, de Brésiliens et de Chinois, les quatre populations qui représentent l’essentiel des ventes. Donc ça s’est mal passé à Rome, Venise, Florence, Naples ainsi que dans une moindre mesure, parce que plus petites villes, à Pise, Sienne, Vérone. Par contre, les cavistes situés à proximité des lacs du nord de l’Italie ont, eux, plutôt bien fonctionné car ce sont des destinations touristiques habituelles pour les suisses, allemands, français et autrichiens.
Dans le secteur du bar à vin, en revanche, les blessures sont profondes et seront difficiles à cicatriser. Sauf heureusement pour ceux qui disposaient d’un espace à l’extérieur permettant d’installer les clientèles en plein air.
Le constat est d’ailleurs général pour tous les bars, bistrots, restaurants, tavernes, trattories ou bars à vins : ceux qui ont pu proposer des terrasses ou espaces similaires, de plein air, ont réussi un été tout à fait satisfaisant, que ce soit dans les grandes ou les petites villes, en bord de mer ou à la montagne, y compris hors des régions touristiques . La terrasse était fondamentale. Car pour les autres, la souffrance est grande.
Certes, c’est psychologique, mais les gens ont peur d’être à l’intérieur et maintenant que la mauvaise saison arrive avec des températures plus basses, l’activité va forcément baisser de façon significative.
Le principe même du rassemblement, qui semble être le meilleur allié du virus, est inhérent au concept même de bar à vin car les gens aiment se tenir devant un comptoir et boire un verre de vin entre amis. Et cet acte habituel de convivialité, si vous le faites à un mètre et demi de votre ami, de votre partenaire, ce n’est pas la même chose.
Les perspectives d’avenir ne sont donc pas optimistes pour ce type de structures.
Heureusement, nous observons aussi un fait incontestable : la clientèle n’a pas réduit sa consommation et continue de trouver agréable et relaxant de boire du bon vin. Il le fait de préférence chez lui et le fera même de plus en plus car avec la saison qui arrive, les températures et la météo vous inciteront à rester chez vous et éventuellement à accueillir des amis à la maison.
En élargissant cependant la perspective, il faut noter que dans les filières du vin et du tourisme, les producteurs, les hôtels, les restaurants traditionnels sont en grande difficulté. Ces activités ont plus de problèmes que les cavistes.
Cela ne nous réconforte pas car il nous serait beaucoup plus utile, à nous comme à tous d’ailleurs, que toute la filière soit en grande forme.
Il faut surtout soutenir ceux qui travaillent avec des standards de qualité élevés, qui sont attentifs au service du client et à son bonheur, qui mettent de la passion dans leur métier, afin qu’ils puissent résister à ces moments et les surmonter sans trop de blessures.
La passion doit nous soutenir et pourrait également être à la base d’une évolution de notre métier pour fournir encore plus de services à nos clients. Et en perspective de la période de Noël, pourquoi ne pas lancer des services de présentations de vins chez les clients ?
Pourquoi ne pas nous rendre disponible pour raconter un vin à domicile ? Pourquoi ne pas transférer certaines activités habituellement réalisées chez le caviste là où vivent nos clients? Et aussi encourager les stages d’initiation ou d’approfondissement au vin chez nos cavistes avec des nombres réduits de participants, pour proposer des formules non seulement plus personnalisées mais aussi respectueuses des précautions à prendre ? N’oublions pas de nous appuyer sur notre professionnalisme et sur l’expérience, des compétences que nous pouvons valoriser et ce malgré les restrictions imposées.
Pour conclure, je voudrais rappelons que nous disposons d’espaces et d’opportunités pour résister à ce moment difficile et nous projeter vers l’avenir avec optimisme. N’oublions pas que nous offrons à nos amis consommateurs un des ingrédients de la joie de vivre.
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