Selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la consigne est « un emballage pour lequel l’acheteur verse une somme d’argent, la consigne, qui lui est rendue lorsqu’il retourne l’emballage ». Le système de consigne peut être utilisé pour accroître le retour des emballages dans deux objectifs : soit le réemploi pour les emballages re-remplissables, soit le recyclage.
Nathalie Viet, dirigeante d’Equonoxe et directrice du SCP, présentera l’intégralité de l’étude le 6 février à Angers dans le cadre des workshops du Salon des vins de Loire.
Jusqu’aux années 1980, la consigne était très répandue en France. Pour ceux qui, enfants, étaient chargés par la mère de famille d’apporter le caddy de bouteilles correspondant à la consommation hebdomadaire dans le fond du grand magasin pour les passer dans le tourniquet bouteille par bouteille et récupérer quelques francs, elle peut même avoir gardé une image positive teintée de nostalgie.
Mais au-delà de ces petits actes individuels, cela permettait au verre d’être réutilisé jusqu’à 50 fois. Le système a été abandonné en 1992 avec la naissance du système de contribution financière versée auprès d’éco-organismes confiées aux collectivités en charge des filières de recyclage financées par les industriels. Les cavistes ne vendant quasiment que des produits en verre, ce n’est pas surprenant que certains pratiquent toujours cette formule, qui semble retrouver une nouvelle jeunesse. La presse valorise en effet ces comportements qu’elle justifie par des réponses aux préoccupations environnementales de certains clients.
Mais qu’en-est-il ? Comment procèdent ces cavistes ? S’agit-il vraiment d’un renouveau ?
Une pratique qui n’a jamais vraiment disparu
D’après l’Ademe (2007), le marché du vin (vins tranquilles, mousseux et champagne) génère les plus gros tonnages d’emballages, avec plus de 800 000 tonnes de verre, devant le marché des bières (620 000 tonnes d’emballages en 2006 dont 1,2% vendues consignées en 2014) selon conseil-emballage.org.
D’après les réponses obtenues à la question « Quelle est votre opinion en tant que Caviste concernant les bouteilles et emballages consignés en général ?» posée lors de l’enquête téléphonique annuelle Equonoxe (1482 réponses redressées selon coefficients régionaux), les cavistes jugent le sujet plutôt important (note moyenne de 6,1 sur 10).
23% seulement s’en disaient clairement défavorables (réponses 1 à 3) tandis que 40% s’y disaient clairement favorables (notes 8 à 10).
Un sujet qui oppose clairement les générations : les cavistes les plus âgés y associent des pratiques anciennes qu’ils jugent dépassées, tandis que parmi les cavistes qui se sont dit, dans une 2ème question (« Et si l’occasion se présentait, qu’en serait-il dans votre boutique ? »), très partants pour pratiquer eux-mêmes la consigne (voire pour le faire déjà) figurent des cavistes souvent plus jeunes.
Mais un constat relie les deux époques pour ceux qui les ont connues et sont en mesure de les comparer : le verre recyclé est jugé plus fragile que les verres antérieurs. Loin des 50 réutilisations des vins d‘antan, les bouteilles de bières d’aujourd’hui sont pourtant réutilisées 6 fois par les brasseurs. Alors quel système est le mieux ?
Pour approfondir le sujet, Equonoxe a interrogé plusieurs de ces cavistes pratiquant la consigne par téléphone et il s’avère que la pratique est ancienne pour la plupart d’entre eux et n’a rien d’innovant : « On pratique la consigne depuis toujours », « Je pratique la consigne depuis 2008 », « Nous faisons ça depuis 3 générations », « Nous pratiquons la consigne depuis 25 ans », « La consigne existe depuis 1924 chez nous », « Ça fait 90 ans que nous faisons de la consigne ».
Des pratiques culturelles réimportées
Qu’est-ce qui motive ces cavistes ?
Les producteurs, déjà, ou plutôt, les brasseurs surtout : « Les fournisseurs l’exigent », « Ce sont les fournisseurs belges qui m’obligent ».
Alors que les bières de tradition et artisanales ont le vent en poupe, de nombreux brasseurs, notamment belges ou allemands et des pays de l’Est, facturent la consigne aux alentours de 0,10€ voire 0,15 € ce qui alourdit rapidement la note. Il faut dire que dans ces pays, la consigne reste pratiquée à grande échelle.
Car la plupart de ces cavistes pratiquent la consigne seulement pour la bière.
Un système lourd
Les cavistes sont donc tenus de s’occuper d’un principe qu’ils jugent plutôt lourd à gérer donc difficile et dont ils se passeraient bien pour un certain nombre d’entre eux. Il faut dire qu’il implique du temps et des espaces pour stocker et trier les retours, des variables rares pour de nombreux cavistes, et d’ajouter aux différentes contraintes réglementaires déjà jugées lourdes (jusqu’aux déclarations de stocks) la gestion d’un compte de consignes (autres emballages).
«C’est un énorme boulot et plus facile pour un groupe comme V&B», reconnait Romain Rouxel du groupe V&B chez lesquels 90% des références de bières vendues sont traitées en consignes, «parce que toute la logistique est assurée par la centrale et intégré au logiciel général du groupe. C’est donc plus aisé que pour des indépendants car outre la récupération des bouteilles dans les points de vente (mais à la rigueur cela peut se faire en retour des livraisons et ça évite au camion de repartir vide) il faut une organisation à la centrale qui puisse trier 50 variétés de bouteilles différentes et les redispatcher entre les fournisseurs brasseurs et gérer les retours. »
Un enjeu clientèle
Quid coté Vins ?
Rares sont les cavistes à pratiquer la consigne sur le vin. Chez ceux-là, les volumes concernés sont cependant très importants puisque tous produits confondus ils concernent de 30 à 80% de leurs ventes de bières et vins. Ils évoquent les enjeux écologiques.
Les seuls que nous avons pu contacter associent le principe à une offre de remplissages des bouteilles. « Le vin se consomme en moins d’un mois en général, les clients reviennent avec leur bouteille vides qu’on remplit ».
C’est aussi l’intérêt qu’admettent les cavistes qui consignent la bière. « Certes, cela fait revenir les clients chez nous donc ça fidélise ». « Les gens qui pratiquent la consigne ne vont pas aux super ou hypermarchés ».
Des arguments qui expliquent sans doute les 15,1% de cavistes partants (ou déjà partis) pour mettre en place la consigne dans leur boutique (enquête annuelle 2016).
Difficile à transposer
Mais étendre au vin à grande échelle les principes de consigne existants pour la bière semble pour l’instant problématique. En effet, alors que les brasseurs ont créé leurs propres contenants maison, il y a finalement assez peu de bouteilles différentes pour le vin et elles sont partagées voire imposées par les appellations.
Comment, alors, distinguer les bouteilles vendues ailleurs et notamment en grande distribution ? Cette dernière, de son côté, s’est simplifiée les choses en intégrant le coût de la consigne au prix de ses bières traditionnelles pour éviter de gérer les reprises. « On n’a pas vocation à être recycleurs » rappelle un caviste qui, comme la plupart de ses collègues, a du mal à imaginer que le système puisse être transposé.
Le vin semble en effet soulever plus de difficultés : « Les personnes consommatrices de vin ont tendance à conserver les bouteilles, ils ne consomment pas leur vin rapidement car il se conserve. Avec la bière c’est différent car elle est vendue en petit format et elle a une date de péremption. »
Une telle éventualité ne peut être le fait que des Pouvoirs publics ou en tous cas de politiques volontaristes de très grande ampleur.
Un véritable enjeu écologique ?
Et ce ne sont pas forcément les principes écologiques qui pourraient être invoqués même si, par ci par là, des consignes réapparaissent sur des produits en pleine mutation, comme sur certains cidres, mais qui restent pour l’instant des niches commerciales pour les cavistes…
Difficile déjà de concevoir des modes de transports économes. « Le bilan écologique est difficile à établir », constate Romain Rouxel, « car le système implique quand même beaucoup de transport et de conditionnements vides … et le retour se fait vers les entreprises à l’étranger donc on est largement au-delà des 260 km théoriques » [NDLR : seuil fixé par l’ADEME pour que la consigne reste intéressante économiquement et écologiquement]).
Car il ne s’agirait pas seulement de mettre en place des filières de réutilisation des verres distincts du reste des autres verres. Les verres d’aujourd’hui sont beaucoup plus légers qu’hier, c’est la filière dans son ensemble qui devrait revoir son fonctionnement global. Du quasiment inenvisageable sans une très (très) forte incitation des verriers… et des régions viticoles.
Et c’est plutôt l’inverse qui se produirait.
Comme l’explique encore R. Rouxel très justement, «maintenant il y a des futs jetables non consignés alors que jusqu’ici les fûts étaient consignés à hauteur de 65 €/fut »… Où est en effet l’intérêt écologique d’une telle immobilisation de capitaux si ces conditionnements devenaient réellement recyclables via la filière éco emballage…!?
La balle serait donc dans le camp des producteurs, si l’intérêt était démontré, car selon un caviste qui a mis en place la consigne dans sa boutique « les cavistes peuvent changer le comportement des personnes de 30-35 ans. C’est aux cavistes d’éduquer le consommateur et de l’aider à s’adapter à ce concept ».
Nathalie Viet, dirigeante d’Equonoxe et directrice du SCP, présentera l’intégralité de l’étude le 6 février à Angers dans le cadre des workshops du Salon des vins de Loire.