La journée du 10 septembre 2018 n’a pas failli à la règle du Concours du Meilleur caviste de France : concilier compétition et bonne humeur.
40 cavistes sur la ligne de départ …
Ils étaient donc quarante cavistes concentrés, motivés, hyper préparés, de toute la France, prêts à tout (ou presque) réunis pour tenter de décrocher l’une des huit places de finalistes.
L’issue de cette belle journée est connue (voir Voir liste des finalistes sur le site des cavistes), toutes nos félicitations, méritées, aux huit finalistes et encore bravo à tous ceux qui ont joué le jeu et pu ainsi progresser grâce à la rencontre et à l’ouverture d’esprit qu’apporte l’échange. Vous pouvez aussi vous remémorer cette belle journée avec les photos mises en ligne sur le site professionnel, rubrique Actualité.
Une belle photographie actuelle de la profession
Il faut dire que l’assemblée était riche de cette diversité : des indépendants, des communicants, des ruraux, des grandes pointures cavistes comme des tous jeunes très doués, des cavistes de chaines, des végans … et même quelques femmes !
Les chaines de cavistes mobilisées
Citons les performances des cavistes du groupe Nicolas notamment, qui a réussi à hisser quinze d’entre eux à cet échelon de la compétition. Parmi les demi-finalistes, des très bons candidats aussi de La Vignery, toujours brillamment représentés depuis 2014, ainsi que, pour la première fois, du Repaire de Bacchus dont l’unique candidat a réussi la double performance cette année d’être à la fois le plus jeune de l’épreuve (26 ans) et de gagner sa place en finale.
Une formule réussie
La cuvée 2018 du Concours a confirmé la qualité de son organisation. En effet, si dix-sept des demi finalistes avaient déjà participé à une demi-finale (dont quatorze en 2016 et cinq en 2014, deux ayant été sélectionnés en 2014 ET 2016) c’est que les critères et les épreuves de pré-sélection sont cohérents dans le temps et permettent effectivement d’identifier ceux qui réunissent les connaissances considérées comme conformes à l’image recherchée du Caviste professionnel.
Et le fait de retrouver à nouveau en finale Eric Fèvre, Jean-Philippe Leroy, qui figuraient en effet déjà parmi les finalistes de 2016, voire de 2014 comme Marco Bertossi, confirme la cohérence des sélections. Eric Fèvre, Caviste de Bronze et Cyril Coniglio, caviste d’Argent, c’est même tout le podium 2016 qui se retrouvera en finale, le Caviste d’Or passant cette fois en tant que jury de l’autre côté de la barrière.
Le podium sera à nouveau très disputé cette année.
Encore peu de candidates
A côté de ces personnalités déjà connues, de nouveaux profils contribuent au renouvellement du métier et accompagnent son évolution.
Bien que trop rares encore, les femmes s’installent progressivement au sein d’une profession encore très traditionnelle.
A date, elles ne représentent certes que 20% des gérants ou responsables de points de vente cavistes mais comptent pour près d’un tiers des salariés ; des proportions qui augmentent parmi les nouveaux cavistes et notamment chez les spécialistes Bières.
On peut déplorer cependant qu’aucune ne figure encore parmi les huit finalistes, mais les trois cavistes du sexe « faible » qui ont pu disputer les demi-finales ont confirmé leur légitimité. C’est notamment le cas Delphine Gunther et Aude Carimalo, l’une caviste à Puteaux et l’autre caviste à Rennes, toutes deux liées au réseau Nicolas et demi-finalistes.
Et l’histoire continue pour Laëtitia Coniglio qui, de soutien et coach de son époux, Cyril, en 2016, a franchi le cap en 2018, se présentant elle-même en tant que compétitrice et réussissant à se hisser en demi-finale. C’est cependant seul que Cyril portera les couleurs familiales jusqu’en finale puisqu’il gagne sa place à nouveau en 2018 … et il compte bien cette fois remporter cette année le titre de champion loupé de peu la dernière fois.
Des champions investis
Celui qui l’avait coiffé au poteau, Philippe Schlick, caviste d’Or 2016, rejoint donc cette année le jury du Concours, avec son prédécesseur Stéphane Alberti, les deux champions attestant des changements que le concours a apporté à leur vie … et s’impliquant en retour pour contribuer au développement de la profession.
Car c’est un énorme travail que d’évaluer ces belles énergies et à la qualité des préparations effectives des candidats au titre du Meilleur Caviste de France.
La qualité des épreuves est en effet primordiale au succès et à la réputation du Concours.
Les critères retenus
Le concours est destiné à promouvoir ce qui fait la grandeur de la profession et à la valoriser aux yeux de ces clientèles. C’est la préoccupation principale de ceux qui, très en amont, s’investissent pour piloter toute l’organisation et le déroulé du Concours. Les épreuves sont conçues afin de sélectionner les cavistes sur ce qui fait leur professionnalisme : de l’expertise, de la curiosité, de la souplesse, de la solidité en tant que chef d’entreprise, de la clairvoyance et le souci de préparer toujours l’avenir…
Valoriser le jus de cerveau
Pour réussir ce mélange subtil, une partie des questions posées lors de la demi-finale étaient donc bien sûr techniques et très précises.
Pourquoi tester ainsi ces savoirs somme toute très académiques ? Parce que les univers de produits commercialisés par les cavistes sont avant tout des produits de Culture. C’est le positionnement qui différencie les cavistes de la grande distribution !
En effet, les vins, comme les boissons alcoolisées issues de savoir-faire et de traditions, expriment des identités qui s’enracinent dans les terroirs, s’abreuvent de la ténacité et de la personnalité des hommes et femmes qui les élèvent, s’enrichissent de la sensibilité de ceux et celles qui, de l’autre côté de la chaine, savent reconnaître ces valeurs, les honorer et les célébrer.
Ce sont ces savoirs, et leur bon usage, qui positionnent les cavistes comme des référents culturels … une image à maintenir et valoriser dans cette société consumériste organisée en « temps de cerveaux disponibles ».
Clarifier l’intelligence de ceux dont le cerveau est puissant..
… .il atteint alors un niveau habituellement inégalé (École de médecine de Salerne)
Et comme il n’est jamais inutile de compléter ses propres connaissances, sachez qu’à la question « Que signifie « hermitager » un vin ? » apprenez que la réponse n’était certes pas « mettre dans une cave sans voir personne comme un ermite » … même si cela n’était finalement pas si aberrant : les vins qui portent effectivement aujourd’hui le nom de l’appellation rhodanienne Hermitage étaient connus depuis les romains sous le nom de « vins de Vienne ». Ils prirent au moyen-âge le nom de « vins du coteau de Saint-Christophe », en raison de la présence d’une chapelle dédiée à ce saint homme vivant … en Ermite. Le H ne serait apparu ou en tous cas généralisé qu’au XiXème siècle pour faciliter la prononciation des consommateurs anglais, déjà très friands des gourmandises produites par les différentes régions de l’hexagone.
[ la réponse était « pratique ancienne consistant à ajouter du vin d’hermitage (région d’appellation) aux vins (Bordeaux ou Bourgogne) afin de leur donner davantage de couleur et de puissance]. Voir le questionnaire et le correctif de de la demi-finale du Concours sur le site dédié.
Se rappeler que le caviste est un chef d’entreprise responsable
Il est ennuyeux de ne pas savoir que la règlementation en matière d’AOC impacte les présentations en boutique : rappelons qu’il est interdit de présenter côte à côte des vins effervescents, même si en appellations d’origine ou en IGP, et des vins de Champagne de façon à induire le consommateur en erreur ou à induire un détournement d’image et d’appellation. En cas de contrôle par les Direccte, vous pourriez être sanctionnés !
Pour vous tenir informé.e, consultez régulièrement les informations réglementaires, juridiques et sociales réunies et réactualisées régulièrement sur le site du SCP.
Sécuriser l’activité et créer de la valeur
La profession a aussi besoin d’entreprises solides et l’excès de turn over, sur fond de progression forte du nombre de cavistes chaque année, est dangereux si les nouveaux cavistes ou les repreneurs mettent en place des stratégies commerciales qui ne créent pas assez de valeurs pour pouvoir pérenniser l’activité. Pour tester ces compétences-là, les organisateurs interrogent les candidats sur des questions de comptabilité ou de gestion. Car un vrai caviste professionnel n’est pas que Vendeur-Conseil ; il est responsable d’un centre de profit.
Sécuriser et fidéliser les clients
Les candidats au titre de meilleur Caviste de France sont également jugés sur la pertinence de leurs stratégies commerciales ou de leurs méthodes de résolution des problèmes.
Ainsi une question sur les surplus de Beaujolais nouveau attendait des réponses en termes d’opérations de mises en avant, animations et promotions plutôt que des positions attentistes et au final destructrices de valeur. « Ce n’est cependant pas très adroit de proposer d’en faire du vin chaud », plaisante Patrick Jourdain.
Une autre mise en contexte est proposée par la question portant sur l’attitude à avoir en cas de retour de bouteilles de la part d’un client déçu. Certains cavistes le renvoient à son ignorance … Dommage. « Ce qu’on attend d’un caviste professionnel, dont l’image repose sur la valeur de la proximité, c’est que face à ce type de situation, il assume ce relationnel et le joue à plein. Donc qu’il goûte le vin incriminé avec son client, afin de vérifier effectivement l’éventualité du défaut, ce qui est possible. Si cela n’est pas le cas, il faut être capable d’accepter que l’on ait pu faire une erreur de conseil et, pourquoi pas, proposer un avoir ou de remplacer les bouteilles ? »
Il n’est donc pas question de réponses péremptoires pour ces questions forcément subjectives et qui peuvent différer selon les contextes ou personnalités. Ce qui justifie le travail collectif des correcteurs, corrigeant et débattant ensemble des argumentaires proposés par les demi-finalistes.
Conseiller et expliquer
Comme à l’accoutumée, les questions invitant à proposer des accords mets-vins adaptés n’attendent pas de réponses péremptoires. Ce qui est attendu d’un caviste professionnel, qui est avant tout un commerçant, c’est qu’il développe une approche commerciale et ouvre le champ des possibles au client en lui proposant plusieurs accords, et plusieurs gammes de prix, des choix et des explications complémentaires afin qu’il/elle ressorte de la boutique du caviste complètement satisfait.e.
The die is cast
La profession se doit de s’adapter au monde qui change, et ce même si l’univers du vin lui-même peut avoir du mal à remettre en cause des traditions et positionnements correspondant à une forme de Vérité qui supporte mal d’être remise en cause.
Pourtant, parmi les nouvelles générations, des consommateurs sont eux, clairement décomplexés et prêts à toutes les découvertes … et viennent de partout. D’où cette question en 2018 posée en anglais et qui exigeait des réponses aussi complètes que celles proposées à un interlocuteur autochtone.
Des dégustations à l’aveugle déconcertantes ?
La demi-finale se joue pour moitié sur l’épreuve de dégustation.
Trois liquides servis à chaque candidat, sans autre précision, les consignes étant d’identifier ces boissons, de les commenter et d’en évaluer le prix public.
Cette épreuve est toujours très appréciée par les cavistes qui y voient l’occasion de faire la preuve de leur expertise sensorielle … « mais attention à la cohérence quand on décrit un produit impliquant un positionnement et qu’on affiche ensuite un prix complètement déconnecté ».
« Le but de cette épreuve n’est pas de piéger les candidats, rappelle Patrick Jourdain, mais de rédiger une fiche de dégustation du produit qui corresponde à ce qu’on goûte vraiment. »
Le premier verre contenait un Crémant de Bourgogne 100% chardonnay ; « on pouvait à la rigueur le confondre avec un Champagne blanc de blanc mais hormis cela, cette dégustation ne comportait pas de piège particulier ».
Dans le second verre était servi un coteau champenois. «Certains l’ont pris pour un Bourgogne du nord », une confusion presque pardonnable …
Le 3ème verre contenait un whisky tourbé des Highlands, « il ne venait pas d’Islay, ce qui pouvait être déroutant ».
Un écrin et un accueil fort appréciés
A l’issue des épreuves, c’est avec soulagement et en mode bien mérité que chacun a pu profiter du lieu qui à nouveau accueille la demi finale cette année.
C’est le maître des lieux du Château Belgrave lui-même, Patrick Jestin, qui a commenté la visite du domaine et des chais.
Chacun a pu constater en l’écoutant le véritable tournant entrepris par la viticulture pour accompagner les attentes des consommateurs et répondre aux enjeux climatiques et de préservation des sols et sous-sols.
Car le succès de la formule est aussi à puiser dans l’excellent accueil assuré par les équipes des partenaires qui, avec la société Thiénot Bordeaux Champagne, se mobilisent pour célébrer ce grand rendez-vous cavistes.
Rendez-vous le 15 octobre pour la grande Finale à Paris.
Voir le programme de la journée sur le site des cavistes