Par Steve FORTEL, Vincoeur catalan – Perpignan (66) – www.vincoeurcatalan.com
Récemment nous étions chez un fournisseur, pour une dégustation clandestine. Le président l’a dit : « nous sommes en guerre » ! Et en guerre, les courageux prennent le maquis.
Armés de verre à vin, en toute discrétion, clandestinement, nous nous sommes donc rendus, avec d’autres confrères, chez le représentant d’un illustre domaine du Roussillon.
Au début, les regards inquisiteurs fusaient. Pas un bruit. L’organisateur nous demanda de rester discret. La Guépéou n’était peut-être pas loin. Chacun dans son coin. Nous étions disciplinés. Comme un oiseau en cage à qui l’on vient, pour la première fois, d’ouvrir la porte et qui n’ose pas s’envoler par peur de la liberté. Nous nous serions crus à une messe basse. Grand-mère cela t’aurait plu !
Puis, avouons-le, très vite, les esprits se réchauffèrent. Les éclats de rire reprirent. Bas les masques ! Infâme instrument de torture. Muselière. Là, que ça fait du bien de se taper sur l’épaule. De discuter sans entrave. De boire un coup entre copains. Bon, bien-sûr cela est un peu exagéré, la prudence était bien de rigueur. Cependant, l’amitié et l’échange étaient, eux, bien présents. Grand-père cela t’aurait plu !
Ensuite, le vigneron nous a présenté son domaine et ses vins. Homme de la terre. Homme costaud. D’une carrure à la Lino Ventura. Des mains que l’on n’aimerait pas voir claquer nos joues. La peau marquée par l’aridité du soleil catalan. Les rides témoignant d’une vie de besogneux. Mais de besogneux heureux et libre. Sa femme, discrète, mais de caractère, se tenait à ses côtés. Soutenant l’homme. L’un ne marche pas sans l’autre. On le constate aussi chez les vigneronnes. Le mari discret est toujours en appui. C’est un travail de passion, de collaboration, souvent familial ou l’amour fait partie des plus beaux outils. Nous nous introduisons là dans ce qu’il y a de plus beau dans notre métier ; l’écoute.
Mais, aussi, de ce qu’il y a de plus difficile ; le choix.
Nous goûtâmes les vins. Les blancs, puis les rouges. De grands vins. L’histoire du domaine fût déroulée à nos oreilles. Sa transformation expliquée. La fierté du vigneron lorsqu’il narre replanter des haies et des arbres pour favoriser la réinstallation de la faune est clairement un moment de la dégustation à ne pas louper. La fierté se sent. Le vin a cette saveur que le soda n’a pas. La passion couplée à la raison. La nécessaire rentabilité n’empêche pas d’aimer sa terre et de penser à l’avenir de ses enfants. Déguster le vin face à son créateur à une saveur toute particulière. C’est indéniable. La plus belle partie de notre métier est faite de ces rencontres avec ces grands paysans que sont nos vignerons.
Le choix. Le choix n’est pas une chose aisée. Ecouter. Comprendre. Constater le dur labeur. Voir la passion. La fierté. Et pourtant, dire non. Le vin, ce millésime ou cette cuvée, nous ne la retiendrons pas. Puis l’expliquer. C’est comme dire à une maman que son fils n’est pas le chérubin qu’elle croit voir. C’est dur. Mais cela fait partie d’une autre facette de notre métier. Savoir dire non tout en respectant le travail réalisé par le vigneron. Une partie difficile.
Faire le tour des domaines. Déguster un verre dans les vignes. Y voir des passionnés. Amoureux de leur métier. Conscients qu’ils ont un rôle essentiel dans la transmission des savoirs, la préservation des emplois, mais également dans la sauvegarde de la faune et la flore locale. Echanger et passer de bons moments. Comme nous l’avions fait quelques fois par le passé.
Chers vignerons, dont certains d’entre vous ont beaucoup souffert de la tyrannie sanitaire, nous sommes fiers d’être vos ambassadeurs !