Edito : To be or not to be Essentiel

La crise épidémique en cours incite à se poser des questions de fond. Et c’est tant mieux.

Au sein de la profession des cavistes, différentes opinions se font entendre voire se confrontent.  En arrière-plan, l’émotion ou la peur, qui conduisent en effet parfois à se contredire et accentuent l’angoisse et ses formes d’expression : agressivité, repli sur soi, recherche de bouc émissaire, etc…

Au point que certains cavistes n’hésitent pas à utiliser les mêmes formes argumentaires dénoncées par la profession en période « normale »…

32% d’hypocondriaques

La crise actuelle touche à la santé.

Dans une société vieillissante et hygiéniste comme l’est devenue la société française (et plus généralement le monde occidental), la tendance à l’hypocondrie s’accentue. Cela concernait 32% des gens sondés en 2013(*).

23% des hommes de moins de 35 ans s’avouaient même « carrément » hypocondriaques (ceux qui admettent ressentir de graves angoisses liées à leur santé, même en l’absence de tout symptôme). Ils étaient aussi 19% parmi les habitants de la région parisienne contre 13% toutes régions, genres et âges confondus, qui déclaraient avoir peur d’être atteints d’une maladie en en entendant parler dans les médias (pour 48% d’entre eux), en lisant quelque chose à son propos sur un site Internet d’information (43%) ou bien en entendant parler de cette maladie par un proche (41%)…

Alors qu’est ce que cela doit être en ce moment !!!

Et … combien chez les cavistes ?

Ces personnes souffrant d’hypocondrie sont donc aussi les plus à mêmes de surréagir et de s’affoler dans le contexte de danger anxiogène actuel. Cela peut aussi expliquer certains comportements irrationnels conduisant à dévaliser du papier toilette et à s’imaginer manger des pâtes jusqu’à la fin du monde … et les débordements d’humeur qui enflamment sur les réseaux sociaux.

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Alors que la priorité est de se focaliser sur la bonne application des consignes et règles à tenir pour gérer correctement et raisonnablement la crise actuelle.

Rappelons que, selon des statistiques de l’Institut supérieur de la santé (ISS), la moyenne d’âge des 3200 patients décédés et testés positifs au Covid-19 est de 78,5 ans avec une très forte proportion de malades du quatrième âge.

Il faut donc raison garder.

Les règles de prudence actuelles exigées sont avant tout destinées à protéger ces publics âgés ou fragiles, donc répondent à des motifs civiques … et ne doivent pas être instrumentalisées ou détournées par des peurs nombrilistes parfois irrationnelles.

De l’usage de la Morale pour exprimer ses angoisses

Photo vignoble Vallee du Rhone P Jourdain fevrier 2020

Du coup, la question de garder ouverts les points de vente des cavistes doit être posée en fonction d’éléments pragmatiques et réfléchis.

C’est le terme Essentiel, utilisé par le Président de République pour lancer le processus de confinement, qui a déclenché la polémique.

Quid des cavistes ? La question  s’est en effet posée de façon étonnante, alors que de nombreux français plongeaient plus ou moins rationnellement en mode Panique. 

Sur les réseaux sociaux (lieux de toutes les exutoires), certains propos extrêmement culpabilisateurs et manichéens ont été tenus. 

Des cavistes même parfois, qui ont dénoncé l’irresponsabilité supposée de leurs confrères décidant de rester ouverts « parce que franchement pas essentiels dans le contexte actuel» et se déclarant scandalisés du choix laissé par les principaux responsables de la profession de ne pas donner de mot d’ordre. 

Depuis le début de la crise, la position du SCP a en effet été claire, s’appuyant sur des faits et en informant les cavistes en flux continu, afin de les aider à prendre les bonnes décisions face au contexte qui est le leur.

Car si la violence de ceux qui ont dénoncé ces positions exprime avant tout des angoisses personnelles, c’est l’usage d’argumentaires très moralisateurs qui est finalement le plus choquant. Car ce sont des cavistes qui les ont proféré.

Rappelons que les cavistes font partie des secteurs autorisés à ouvrir, d’une part parce que intégrés au secteur du commerce alimentaire (code APE 4725Z) et d’autre part parce qu’ils font aussi partie de la catégorie des débits de boissons (dès lors qu’ils sont bien munis de la grande licence de vente à emporter) qui restent autorisés à faire de la vente à emporter ou à livrer (voir tous les éléments en Actualité sur le site du SCP, Actualité).

Jeunes feuilles de vignes au printemps

Le caviste, passeur de culture

Le fait que certains se soient opposés, ou aient dénoncé, ces réalités légales révèle qu’au sein même des cavistes la dimension culturelle de la consommation d’alcool n’est pas vécue de la même façon : ceux qui font vivre une approche traditionnelle basée sur une consommation de vin surtout, plutôt associée à la gastronomie, donc un lien à l’alimentaire ; et ceux qui développent plutôt une consommation de produits alcoolisés associés à des moments festifs, des matchs entre amis ou des pauses d’après travail entre potes.

Deux approches qui certes devraient se rejoindre en temps normal, mais qui se sont retrouvées opposées.

Les premiers proposent des formes de consommation qui peuvent être plus intimistes et adaptées à la consommation à domicile, avec une approche du vin plus cérémonieuse (parfois trop ?) mais résolument orientée sur la perception du goût et de la richesse des sensations éprouvées lors de la dégustation, le genre d’expérience qui peut même marquer les esprits et faire des souvenirs. Ceux-là, lorsqu’ils sont restés ouverts, soutiennent le moral d’une clientèle qui cherche à faire face au confinement en s’appuyant sur sa propre richesse intérieure pour tenir dans la durée.

Les seconds, qui célèbrent des moments festifs et éphémères, ont plus facilement tendance à considérer que l’ouverture des commerces cavistes est une incitation à contourner les règles de confinement qui interdit ces moments de retrouvailles conviviales. 

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Mais au-delà de ces différences de point de vue, ce qui est surprenant voir choquant, c’est l’usage de la Morale … La même morale bien-pensante que notre métier, confronté aux assauts des hygiénistes, dénonce le reste du temps.

Des cavistes qui finalement révèlent la légèreté de leur propre professionnalisme … Toute l’année le métier de caviste implique de se poser en permanence la question de son rôle vis-à-vis de ses clients de la même façon que tout consommateur de vin doit toujours se soucier de ne pas laisser l’alcool dominer sa dégustation et rester maître de lui-même. Le métier de caviste n’est pas un jeu et implique une vraie force de caractère. 

Et pour bien s’en rendre compte, il existe un événement qui réunit toute la profession : c’est le Concours du meilleur Caviste de France. Il vous reste à peine quelques jours pour vous inscrire (voir article 1).

Le principe de Responsabilité, c’est le cœur du métier de caviste

Rappelons à quel point les français, lorsqu’ils ont appris l’attentat à Charlie Hebdo, ont exprimé cette blessure en ouvrant une bonne bouteille de vin, comme une communion de l’âme, pour pleurer ceux qui venaient d’être ainsi massacrés et ce qui était menacé : la Liberté de penser et d’être, l’opposition à toute forme de Morale dogmatique.

C’est aussi ce qui se joue dans le Besoin qui peut être celui d’avoir des cavistes ouverts pendant cette période. Celui d’aider à élever l’âme plutôt que sombrer dans le pessimisme ou pour retrouver une forme d’Art de vivre, maintenant que l’essentiel redevient au cœur des préoccupations quotidiennes.

Mais nous ne sommes pas dans une période normale et pour certains publics fragiles, le confinement risque d’exacerber des vrais comportements à risque, que ce soit pour eux ou pour leur entourage. Tellement de scénarios peuvent se jouer dans vos boutiques actuellement. Ce qui est vraiment essentiel pendant cette période, c’est que le caviste assume pleinement son rôle et la responsabilité qui en découle. La promiscuité et le contact obligé sont un cocktail explosif pour les relations inter-personnes et le caviste DOIT être passeur d’une culture qui doit être EXEMPLAIRE.

Photo vignoble Vallee du Rhone Rayas P Jourdain fevrier 2020

Si vous êtes ouverts, vous pouvez aider la population, en assurant ce contact social nécessaire, avec une relation humaine de qualité et ce forcément sur un temps très bref, car il ne faut surtout pas inciter à déroger à la règle collective : le confinement, c’est ON NE SORT PAS SAUF VRAIMENT SI NÉCESSITÉ (ravitaillement ou besoins physiologique ou psychologique de s’extraire momentanément de l’enfermement).

Les aider, c’est aussi être vigilant sur la situation de chaque personne acheteuse d’alcool pour essayer de détecter les situations à risque. Et leur apporter les conseils de modération et de responsabilité (reprendre les antisèches du Caviste conçues par le SCP s’il vous en reste).

La fermeté bienveillante, c’est peut être une bonne aide que vous pouvez apporter à certains clients qui peut être se rappelleront que chez le caviste, ce n’est pas (que)  de l’alcool que l’on vend, c’est aussi de la Culture.

Demain

La gravité de la période nous contraint donc à une Lettre d’Informations de Cavistes exceptionnellement courte avec des sujets resserrés sur nos priorités du jour.

Mais pour tenir bon dans la durée, il nous faut tous préparer l’Après.

L’Après, ce peut être la perspective de se retrouver à l’occasion du Concours du meilleur Caviste de France, dont la première épreuve est prévue en ligne et le 11 mai 2020 (article 1). Une échéance raisonnable, non ? Voire réaliste, souhaitons-le.

Les priorités du jour ce sont celles qui doivent vous aider à piloter votre activité et à prendre les bonnes décisions pour votre entreprise et ce d’autant plus vu la période. Et à faire entendre et respecter vos besoins. C’est le rôle d’un Syndicat. Petit retour sur cet outil fondateur du modèle républicain, interface entre l’état et les différentes composantes économique et sociale de la nation pour relayer les énergies et les informations. Et reconnaissons que le Syndicat des Cavistes Professionnels remplit pleinement sa fonction. La preuve ! (article 2).

Et puis, après, viendra le printemps. C’est le sens du message de Yves Legrand qui, dans sa chronique d’humeur présidentielle et viticole se rappelle de temps où il avait fallu trouver du courage, pour affronter l’adversité, et que c’est là que se révèle le commerçant. (article 3).

Demain Le Film

Pour conclure

Enfin, parce que préparer l’avenir c’est la mission du SCP toute l’année, nous étions fiers de présenter dans cette Lettre printanière les résultats de l’expérience sociale  menée depuis le début d’année en Ile-de-France (et peut-être demain, ailleurs ?) dans le cadre d’une Préparation Opérationnelle à l’Emploi Collectif (POEC) destinée à desserrer les problèmes de recrutement récurrents de la profession.

L’association sociale de Formation professionnelle ANAFE a en effet accompagné pendant plusieurs semaines une dizaine de personnes sélectionnées à Pôle Emploi pour leur faire découvrir le métier de vendeur caviste et leur transmettre les savoir-être et bases culturelles propres à nos univers.

Des personnes qui de prime abord ne font pas partie des profils traditionnels que les cavistes recherchaient mais qui, grâce à une mise en situation de 3 semaines dans des boutiques de cavistes en tant qu' »aide-cavistes », ont souvent découvert un environnement de travail qui leur a plu et qui les motivent aujourd’hui pour poursuivre dans cette voie et dans notre circuit, que ce soit en tant que vendeur(se)s ou en soutien logistique.

Les stagiaires de la 1ère Session POEC d'Aide-caviste et leurs formateurs (2020).

Les stagiaires de la 1ère Session POEC d'Aide-caviste et leurs formateurs (2020).

De nombreux dispositifs existent pour aider l’employeur potentiel à financer les formations qui seront nécessaires pour permettre ces retours dans l’emploi (que ce soit en interne ou via des structures de formation extérieures, type CQP ou autre). Nous contacter pour tous renseignements.

De 26 à 56 ans, d’horizons divers, du commercial en call-center à l’informaticien en passant par la femme de chambre, ces personnes, parfois prêtes à quitter la région parisienne, ont des parcours de vie tous différents, tous précieux. Ce sont aussi les ambassadeurs des consommateurs de demain, ceux qu’il faudra savoir recruter en tant que clients dans vos boutiques …

Bon  courage à tous !

(*) Etude Ifop/Capital Image faite en ligne du 17 au 19 juillet 2013 auprès d’un échantillon représentatif de 1007 personnes de 18 ans et plus (méthode des quotas).

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