Ces héros visionnaires méconnus
Par Yves Legrand, président d’honneur du SCP
Black Friday, Dry january, soldes, Amazon, Alibaba et les 40 voleurs … ou les 40 valeurs perdues de notre monde se vautrant dans l’«absurdie ». Les microbiotes de nos consommateurs formés de plus de cent milliards de bactéries n’ont plus de repères ; seuls les « flashs » publicitaires guident leurs choix alimentaires.
Comment faire le tri entre les produits issus des OGM (organismes génétiquement modifiés) eux-mêmes transformés et truffés de CMR (molécules cancérigène, mutagène, reprotoxiques ) …. ? Oh, mamma mia !
Heureusement que l’ANSES (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail !) certifie les normes européennes de cette culture intensive, sous la haute tutelle des membres des Ministères de la santé, de l’agriculture, de l’environnement et de la communication . Ouaaaah ! Plus fort que le principe de précaution, tu meurs !
Le livre « 1984 » de George Well écrit en 1949 est dépassé. Il le situait dans une société totalement contrôlée, où figurait un ministère de la Vérité chargé de vous informer de ce qu’il faut penser. Et bien c’est fait. Circulez, y a rien à dire !
Ben voilà, pour cette première partie du texte que vous ne deviez pas lire puisque je devrais être capable de m’auto- censurer. Tout se dégrade, de quoi vous mettre le bourdon dans la tête en pleine période de fêtes de fin d’année et de défilés contestataires en fin de vie ou pour la fin de vie.
« J’ai connu un homme qui a arrêté de fumer, de boire, de faire l’amour et de faire ripaille. Il était en bonne santé jusqu’à ce qu’il se suicide » (Johnny Carlson, humoriste américain).
Mais nous, cavistes, dans ce contexte bouillonnant, nous sommes des héros visionnaires. Tout simplement parce que le consommateur est en demande de confiance, du conseil d’un vrai professionnel, de régularité, de service courtois, de respect. Nous devons être les initiateurs de la consommation qui sauvera « le genre humain » à savoir retrouver le lien qui unit la roche mère avec le ciel, le tréfonds à la lumière.
Il ne s’agit pas de vilipender la conduite traditionnelle. La démarche en bio est déjà une avancée mais reste un choix de culture, alors que la culture en bio-dynamie devient un choix de vie. C’est-à-dire retrouver les vins produits du temps de la domination des moines cisterciens du IVème au XVIIIième siècles qui maîtrisaient le temps, possédaient la connaissance, l’argent, le pouvoir. Ça aide, comme dirait mon voisin de comptoir !
Aujourd’hui, seul 12 %, des vignes sont cultivées en bio et bio-dynamie. Cela veut dire que 88% des terres vinicoles reçoivent encore trop d’intrants chimiques qui « tuent » la vie du sol en déformant ou annihilant la représentativité du terroir. Le vin n’a pas ce second souffle, ce supplément d’âme, cette complexité que l’on ressent sans pouvoir l’expliquer, ce fameux « mystère du vin ».
Le caviste donne vie à cette part de rêve.
Mystère du vin que l’on peut aussi appeler la partie invisible du vin. Ce lien non palpable origine de l’émotion que l’on ressent au plus profond de soi. En fait, le caviste visionnaire vend « une émotion » enrobée d’un profond « mystère » entraînant le consommateur dans une « ivresse joyeuse ». Alors au boulot, au goulot !
« L’art physique élémentaire consistant à ouvrir une bouteille de vin, a apporté davantage à l’humanité que tous les gouvernements de l’histoire de la planète » Jim Harrison.
J’adore ces deux mots : « l’art », « physique ».
Quel entrainement faut-il acquérir, nous cavistes, pour que le consommateur, la consommatrice accourent dans votre caverne bachique et vous disent : « Vite, vite, docteur Bacchus, donnez-moi de l’art physique … élémentaire si possible » ?
Et le caviste reprend précipitamment ses cours de révisions du dernier concours du meilleur caviste de France … donc du monde évidemment puisqu’il s’agit de l’histoire de la planète ! Non, mais, même aviné, il avait raison le Jim Harrison : le vin EST bien l’histoire qui colle depuis 8000 ans au lent processus de notre civilisation. Donc en plus de « l’art impossible élémentaire » c’est 8000 ans d’histoire qu’il faut également enfourner dans le cabas du patient !
Non, camarade caviste, laisse tomber les cours. Dans ce cas précis, il ne s’agit pas d’étaler ta science. Non pas la connaissance « des vins » mais de la connaissance « du VIN ». Le « Maitre en Vin » se compare au Maitre de Calligraphie, au Maitre en Aïkido. L’art martial vrai (l’art physique de notre ami Jim !) est d’abord une discipline de transmission d’un certain mysticisme.
« Chéri, chéri caviste, plutôt que du glyphosate, demande à ton vigneron de mettre de la spiritualité dans son jaja ». Dans le mot VIN il y a vi, la vie, si le sol est mort (88 % du vignoble français), le vin apparaît « hors sol » est restera un produit œnologique, scientifique, normalisé, confronté à une concurrence sans foi ni loi. C’est la cause principale du Bordeaux-basching : avec son expression « technique », l’âme du vin est restée dans les dividendes de Monsanto ou Bayer …
Le consommateur ouvert à la découverte conserve au plus profond de lui-même ce bon sens, ce ressenti qu’il ne sait pas expliquer. Combien de fois ai-je entendu : « Mais chez vous le vin est bon ».
Alors, la méthode ….y en a pas, à chacun de la trouver, chacun son chemin. La convivialité au sein de notre SCP y participe. Communiquer, sentir, respirer, s’entrainer à la réflexion intérieure. L’intérieur, l’art physique, les tripes, et non pas le cerveau. Réfléchir sans le cerveau, uniquement avec son corps. Dans l’Antiquité, cela s’appelait l’ivresse joyeuse. Faites péter les quilles entre amis/ies !
Souvent avec mon père, après avoir fermée la boutique, nous filions dans le vignoble. Arrivée dans la nuit sur « zone », nous dormions dans les vignes à même le sol. Au lever du soleil, « l’art physique élémentaire » entrait en action. Si dans la vigne, il n’y avait ni vers de terre, ni scarabée, ni coccinelle et pas d’oiseaux, nous décampions sans passer par la case vigneron !
Trinquons, sans mesure, ni disgrâce !
Je souhaite à tous mes ami.e.s cavistes une belle fin d’année et surtout une nouvelle année 2020 pleine de découvertes, sous la protection de Bacchus et autres muses dionysiaques.
Yves Legrand,