Par Yves Legrand, président d’honneur du SCP
Vive le COVID 19 ! Nous sommes tous des pangolins ! Produit chinois de belle qualité, importé sans frais de douane, vraiment très bon marché, d’un rapport qualité-prix jamais atteint, tout le Monde est servi, le coût économique dépasse toutes les espérances !
Pendant le confinement, la grande distribution, bénie par l’état, a sauvé le consommateur qui a pu bouffer du PQ en s’essuyant les fesses avec des nouilles, pour ensuite faire la queue devant les pharmacies. Un petit farceur ce corona …
Pendant quelques semaines, notre planète a été stoppée nette dans sa course à la bêtise par un virus, un tout petit virus. Bravo l’artiste. Les forces telluriques, organiques et minérales de la nature se sont crus libérées.
Qu’allons-nous en faire ?
Quelques similitudes pourtant entre les symptômes de cette maladie et notre métier de caviste. Non, non, je ne vais pas vous proposer un accord mets-vins au pangolin avec de l’hydro- alcoolique teinté d’ hydro-chloroquine marseillaise.
Le malade commence à perdre l’odeur et la saveur, puis la respiration se bloque…
En écrivant cette dernière phrase, me saute à la mémoire cette impression, trop forte hélas, que je m’imagine en dégustation :
Vin trop technique, élevage contrôlé scientifiquement.
Résultat :
Odeur bloquée, saveur artificielle, vin sans respiration. C’est–à-dire, sans le « second souffle » générateur de plaisir, de jouissance sensorielle. Tout est parfait, parfaitement confiné, principe de précaution respecté, en règle œnologique ment, sans défaut, certifié par la Marianne sur le goulot !
Pas de liberté sans risque, il faut choisir.
Le caviste s’engage auprès de ses clients, de ses patients, puisque bien se soigner commence par bien se nourrir. A lui de proposer cette palette de vins en provenance des vignerons réellement dans leurs vignes. Des vins vivants issus du vivant.
Cette pandémie sanctionne le commerce de masse, à bout de souffle à force de courir au plus bas prix. Si l’ensemble de la filière vin n’y prend pas garde, d’ici quelques années, des palettes de vins chinois de qualité semblable aux vins que je décrivais précédemment débarqueront sur les étals des marchands de malheur à bas prix. Le bas prix tue le bon commerce et tue la confiance, base primordiale du commerce équitable.
Les vignerons devraient prendre garde à rester solidaires des 5.800 cavistes de l’hexagone en respectant les justes prix aux consommateurs, en transparence avec les cavistes. Découvrir ou redécouvrir la confiance, la complicité et pourquoi pas l’amitié au sein de la filière ancestrale.
En période de crise, les fondamentaux remontent à la surface. De nombreux clients ont redécouverts les qualités des cavistes restés ouverts pour la plupart. Service, accueil, livraison également en e-commerce.
Chères Consœurs, chers Confrères, n’ayez pas peur, saisissez l’opportunité sans précédent que nous offre cette crise sanitaire pour redéfinir, repenser l’originalité de notre métier et faire redécouvrir la respiration de la Terre à nos patients.
Je dis bien, à nos patients, puisque nous sommes les conseillers privilégiés pour lutter contre l’agueusie et l’anosmie (perte du goût et de l’odorat).
Cette respiration qui imprime dans les mémoires la jouissance de la saveur de la Vie, notre Marcel Proust la définit si bien dans son livre « du côté de chez Swan »:
« Mais quand d’un passé ancien rien ne subsiste,
Seules les plus frêles,
Mais les plus vivaces,
Les plus immatérielles,
Les plus persistantes,
Les plus fidèles,
L’odeur et la saveur,
Restent encore longtemps. »
Restez vous- mêmes …et même mieux si vous pouvez !
Fidélité et vitalité,
Yves
