Depuis une quinzaine d’années, et après des décennies de repli, le nombre de commerçants cavistes augmente. Les différentes sources existantes, telles que INSEE qui suit le circuit via principalement un code NAF 4725Z, ou Equonoxe (définition du caviste plus large et incluant des entreprises en 4634Z et 5630Z qui répondent à la définition suivante “point de vente spécialisé, ouvert aux particuliers, qui ne vend pas seulement les vins du gérant et/ou propriétaire ), se rejoignent sur ce constat, qu’Equonoxe confirme à nouveau en 2016.
Selon l’INSEE, les nombres d’entreprises et d’établissements immatriculés en tant que Commerce de détail de boissons en magasins spécialisés (4725Z) avaient progressé de 27,5% environ de 2008 à 2014. Le nombre d’établissements par entreprises est cependant resté stable, le tout conduisant le parc de cavistes détaillants tels que suivis par l’INSEE (chiffres qui comptent cependant de nombreuses entreprises ayant fermées mais non radiées) à rattraper celui des grossistes (Commerce de gros (interentreprises) de boissons) immatriculés sous code 4634Z.
Cette tendance de fond témoigne de la reconnaissance des consommateurs envers la profession ce qui atteste d’une véritable réussite collective. Car jusqu’ici le métier en lui-même peinait à exister en tant que tel. Soumis à des concurrences très organisées et massifiantes, confrontés à un contexte économique et réglementaire difficile, ces opérateurs, la plupart du temps isolés, sont contraints à toujours plus d’initiatives entrepreneuriales individuelles pour pouvoir exister.
Le monde du vin change, les cavistes aussi
Les professionnels du commerce de détail de boissons évoluent dans un contexte difficile car la consommation baisse globalement. Sur le segment du vin notamment, les ventes se sont en effet énormément repliées en volume.
Dans la deuxième moitié du XXème siècle, la structure des consommations des ménages a été révolutionnée : de 1960 au milieu des années 2000, la part des dépenses consacrées à l’alimentaire a été réduite de plus de la moitié . Au sein de ces consommations, le budget consacré aux boissons a été réduite de 60% au cours de la même période et celui des boissons alcoolisées de 70% .
Le poids du budget consacré à la boisson et à la boisson alcoolisée notamment n’a en effet pas cessé de diminuer : il ne pèse plus qu’un tiers de ce qu’il était dans le cadre de la consommation à domicile (1,3% du budget en 2015 contre 4,2% au début des années 1960) et les français dépensent aujourd’hui un quart de ce que les générations de leurs grands-parents consommaient à l’extérieur (bars, …) qui ne représentent plus que 0,6% des dépenses contre 2% il y a un demi siècle.
Mais dans le même temps, les dépenses extérieures de restauration sont restées solides aux alentours des 4% du budget des ménages.
Et depuis 2007, la tendance est au rebond.
Les cavistes : moteurs des changements de consommations ?
Cette situation résulte de l’effet conjugué de plusieurs facteurs (modifications des comportements de consommation, concentration de la distribution, développement des commerces de périphérie, etc.).
La consommation de vins en volume a été réduite de moitié en France en 30 ans (104 litres par habitant par an en 1975 contre 44,2 en 2014 selon les données fournis par le Wine Institute …. soit près de 60 bouteilles par an).
Il faut dire que dans le même temps la part des non-consommateurs de vins dans la population française a doublé (19% en 1980 contre 38% en 2005). Mais depuis la tendance s’est stabilisée depuis 2010 non seulement le poids des non-consommateurs fléchit alors que le poids des consommateurs occasionnels continue de progresser (51% des ménages contre 30% en 1980), redessinant ainsi le nouveau paysage de la consommation des vins et d’alcools.
Cette période de mutation a profité aux cavistes qui ont su tirer leur épingle du jeu. Leur parc ne cesse de croître (5762 cavistes en 2016 selon sources EQUONOXE, soit +18% depuis 2008).
Répondre à l’évolution des comportements
Le nombre d’adultes non consommateurs augmente au sein de la population et les consommateurs réguliers deviennent de plus en plus des consommateurs occasionnels. Ils auraient en outre tendance à espacer leurs occasions de consommation ainsi que leurs actes d’achat. En conséquence, la baisse de la consommation en volume renforce les pressions concurrentielles entre les circuits de distribution. Même si l’époque est à la remise au premier plan des concepts de commerces de proximité et du lien direct entre le point de vente et le consommateur, la grande distribution, qui commercialise plus de deux tiers des productions des professionnels du vin, reste le principal circuit de distribution.
Pour autant, si les consommateurs boivent moins, ils boivent également « mieux ».
Les budgets consacrés à toutes les catégories de boissons alcoolisées ont décliné de 1960 à 1990 et notamment le budget ‘Vins’ qui ne représente plus que 0,6% du budget des ménages contre 2,6% auparavant. Pourtant, depuis les années 1990, le poids des dépenses des ménages réalisées en matière de vins rebondit légèrement tandis que les dépenses consacrées aux autres catégories de boissons alcoolisées continuent de décliner.
Mais depuis la fin des années 2000, le budget Boissons en général et notamment les dépenses en vins et bières retrouvent une dynamique positive dans le budget des ménages;
Le poids des vins de consommation courante, qui représentaient 43,5% du budget ‘Boissons’ des ménages, n’en pèse plus que 6,4% en 2015. Ils représentaient également 77,2% du budget ‘Vins’ en 1959 et seulement 19,4% des vins achetés en 2015. Dans le même temps, les dépenses en Champagne et mousseux ont plus que doublé et celles de vins d’appellation ont bien résisté. En 2015, ces deux catégories représentent respectivement 7,8% et 17,4% du budget ‘Boissons’ ; et 23,6% et 52,9% du budget ‘Vins’.
Ce cliché, néanmoins partagé par tous les professionnels, permet de dresser le constat d’un mouvement général auquel participent les cavistes, qui proposent des offres moins standardisées et prennent le relais en matière d’éducation du consommateur, leur transmettant ainsi leur passion du vin et des alcools de qualité et de tradition.
L’évolution des habitudes des consommateurs se nourrit également de leur préoccupation grandissante en matière d’hygiène alimentaire, de santé et de développement durable.
S’adapter à la rupture du lien entre la société française et le vin, pourtant un des fondements culturels de son identité
L’évolution des habitudes des consommateurs se nourrit également de leur préoccupation grandissante en matière d’hygiène alimentaire, de santé et de développement durable.
Car ce qui rend là encore le contexte français très paradoxal, c’est la multiplication des campagnes d’informations sur les risques liés à l’abus d’alcool. Si les premières campagnes, légitimes dans leur finalité tant qu’elles visent effectivement à réduire les morts et blessés, ainsi que les conséquences épidémiologiques liées aux abus d’alcool, ont permis de réduire drastiquement l’usage de l’alcool au volant entre autres, elles tendent aujourd’hui à vouloir clairement éloigner la société française d’un produit qui, tant qu’il est consommé dans le cadre de comportements responsables, est profondément ancré dans sa culture.
Susciter des comportements de consommations responsables et ludiques
Dans ce contexte, les cavistes traditionnels doivent se différencier par le développement de concepts novateurs (comme les bars à vins, proposés par 24,2% des cavistes en 2016) et se positionner sur des segments porteurs à l’instar du vin biologique ou des produits d’épicerie fine présents dans 60,5% des points de vente.
L’époque est également au développement des animations permettant au caviste d’entretenir des liens de qualité avec sa communauté de clients, via soirées thématiques, d’initiations et dégustations, etc… Il peut aussi proposer de nouvelles prestations (vente à distance via développement du e-commerce par exemple) qui améliore sa visibilité et accroît la rotation de ses stocks.