Documents transmis fin février 2015 à la Commission sociale en charge de la rédaction du Projet de Loi Santé
et présentés aux conseillers Commerce de Mme la Secrétaire d’Etat Carole Delga
- Rééquilibrer les messages à propos du vin afin de ne pas détruire sa valeur en tant que symbole identitaire et culturel.
- Revenir à l’esprit initial de la Loi Evin : protection contre les excès et des populations fragiles.
- S’appuyer sur le rôle majeur des Cavistes, commerçants très dynamiques et reconnus, en tant que relais responsables et professionnels des bonnes pratiques de consommation raisonnée auprès des consommateurs.
Concernant le Projet de Loi relatif à la santé (Projet de Loi initial avant amendements du 17 février 2015)
Proposition d’intervention du Syndicat des Cavistes professionnels
Pas d’hostilité en l’état mais une grande vigilance
A la lecture du projet de loi santé n°2302, publié en octobre 2014, le Syndicat des Cavistes professionnels ne formule que quelques demandes de reformulations d’articles.
Nous restons cependant vigilants. Depuis son origine, la loi n°91-32 du 10 janvier 1991 dite loi « Evin » a fait l’objet de dérives judiciaires qui l’ont éloigné de l’objectif initial de protection des populations fragiles et coupé la société dans son ensemble de fondements culturels pourtant majeurs. Nous nous opposons donc aux amendements annoncés par l’Anpaa et notamment à tout durcissement des conditions de communications sur le vin sur internet.
En effet, si de telles mesures étaient appliquées, les Cavistes seraient totalement dépourvus de moyens permettant de faire valoir leur rôle en tant que commerçants spécialistes de la vente de vins et alcools de qualité, et de communiquer sur leurs sélections.
Si jamais les moyens de communiquer sur nos produits étaient encore réduits, nous demandons à être explicitement exemptés de ces mesures d’interdiction, en tant que Cavistes, au même titre que les producteurs.
Le vin : un sujet identitaire majeur malheureusement sorti de son contexte
En tant que Cavistes, nous considérons que ce projet de loi élude, et du coup minimise, les relations existantes entre le vin et la santé.
La rédaction de ce projet considère le système de santé dans son ensemble (page 4) et bien qu’il « appelle une prise en charge globale des déterminants de santé donnant toute sa place à la prévention » il ne pose la question des boissons alcooliques qu’en termes de « combat » (contre) au lieu de considérer l’importance du travail de Responsabilisation, terme jamais cité dans le projet, et qui incombe à l’éducation.
Par ailleurs, et bien qu’il ouvre le sujet de l’information nutritionnelle, il exclue délibérément les bienfaits du vin en tant qu’acteur important et vertueux d’une dynamique alimentaire équilibrée.
La consommation de vin participe à la bonne santé morale de notre société. Nier voire remettre en cause cette dimension par des restrictions exagérées à son expression menace le socle identitaire de notre pays, qui revendique son « exception culturelle ».
Les comportements excessifs : Pourtant, dans son Chapitre Ier, le projet de Loi s’intéresse bien à l’école et lui confie le rôle « d’apprendre à prendre soin de soi » (article 2) et dans son article 4, le projet précise la nécessité de prévenir les comportements d’alcoolisation EXCESSIVE d’alcool. En tant que professionnels nous sommes nous-mêmes en première ligne pour condamner ces comportements et surtout pour les prévenir par l’apprentissage de la modération et d’une éducation aux produits qui l’éloigne de leur seule dimension alcoolique.
Ceci nous conduit à regretter la formulation suivante :
Page 22 : Dans la mesure où il s’agit de dénoncer les comportements d’alcoolisation massive dans le cadre des bizutages, nous apprécierions que ce soit ce contexte particulier qui soit bien sûr évoqué. Donc « Ce ([au lieu de Le] mode d’alcoolisation des jeunes les expose plus particulièrement aux risques immédiats liés à la consommation du produit. »
Les risques d’addiction : Toujours dans l’article 4, qui concerne les risques d’addiction, notre profession est en première ligne pour prévenir de ces risques, imputables certes à des paramètres individuels, qu’ils soient psychologiques ou liés aux parcours de vie, mais aussi provoqués par l’absence d’apprentissage à la maîtrise de la consommation des produits que nous commercialisons ; Or, c’est notre métier d’apporter le bon Conseil à nos clientèles en matière de vins et alcools, nous les accompagnons donc aussi naturellement et automatiquement dans l’apprentissage, la culture, des bons usages. Voir le Guide de la consommation des vins et alcools que nous diffusons à nos clients.
Il y a plusieurs sortes d’alcool : dans le Chapitre I / Diagnostic / 1.3 Protéger la jeunesse contre l’alcool (page 20), nous regrettons l’association faite entre le caractère dit « culturel et le raccourci fait avec la consommation « d’alcool ». Nous démarquant de certains de nos fournisseurs, nous souhaitons que, sur ce sujet des cultures de la consommation, le vin soit dissocié des boissons aux taux d’alcools supérieurs, les dimensions culturelles associées aux premiers dans le cadre d’usages modérés et éduqués (civilisationnels, santé, cordialités, …) n’étant pas celles les plus souvent associées aux autres (plus festives et d’ivresses). Un constat que le projet de loi évoque clairement dans la fin du paragraphe dénonçant la forte appétence des lycéens pour les bières et alcools forts. Nous souhaitons que cette ambiguïté entre produits issus de fermentation et ceux issus de distillation soit clarifiée et permette des traitements différenciés.
Dans le berceau méditerranéen, le vin n’est pas une boisson alcoolique comme les autres :
Dans la suite de ce point, nous regrettons que ne soit pas évoqué le rôle majeur des éducations au goût et aux codes du vin. Le fait que leur apprentissage dans le cadre traditionnel des familles recule, nous jugeons nécessaire de penser ces transmissions dans des lieux républicains, permettant de démocratiser ces codes sociaux qui deviennent sinon vite excluant (que ce soit en matière de consommation de vins et de gastronomie en général). Cette dimension culturelle sociale, différente du fait religieux, induit des discriminations préjudiciables et nourrit les reproductions sociales des élites.
De façon plus générale, se pose la question du rôle sociétal de l’alcool en tant que substance dites psychoactive. Cette approche ethnologique n’est toujours pas abordée dans ce projet de loi alors qu’elle est au cœur de la relation établie entre la personne qui consomme et le produit, « dont l’ambivalence apparaît immédiatement dès que l’on compare le vocable anglais « drug », qui signifie aussi bien « narcotique » que « médicament », avec le terme français « drogue », lequel […] ne signifie plus aujourd’hui qu’un produit moralement stigmatisé, d’usage occulte ». D’après les chercheurs, se référant aux travaux de François Dagognet (1964), « une telle complexité renvoie [1/] au statut du pharmakon, qui revient à introduire dans le corps une substance étrangère afin de rétablir, par un désordre consenti, l’équilibre organique ou psychique, et [2/] aux constructions sociales et culturelles afférentes ».
La légitimité des Cavistes : les principaux prescripteurs en matière de vins auprès des consommateurs (1ères sources d’informations des français en matière de vins selon baromètre SoWine)
Clarifier la loi Evin : Dans le point, « Combattre l’image festive et conviviale de l’ivresse diffusée au moyen d’objets et notamment de jeux », le projet de Loi revient sur la loi dite « Evin » n°91-32 du 10 janvier 1991 qui encadre la publicité et la propagande en faveur des boissons alcooliques. Il fait le constat que « cette réglementation ne s’applique qu’aux formes traditionnelles de publicité et aux boissons alcooliques nommées » et fait un lien avec le développement supposé et non régulable en l’état « d’objets incitant à une consommation excessive d’alcool».
Si nous approuvons l’esprit initial de la Loi Evin, nous condamnons les dérives qui, depuis, ont permis, sur pression de l’association Anpaa de contraindre de façon excessive toute publicité et même communication sur nos produits dès lors qu’ils sont présentés de façon à les rendre attractifs.
Nous souhaitons une clarification de la notion de communication et d’information sur les produits que nous commercialisons.
Nous souhaitons que le vin, dans le cadre d’une consommation modérée, soit associé au champ de l’alimentation et qu’à ce titre il soit possible à ses professionnels (producteurs et Cavistes) de communiquer sur ses vertus et informer sur ses précautions d’usage.
Les Cavistes apportent conseils, assistance lors de l’acte d’achat et relationnel direct et de qualité :
Avec près de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires (dont 300 Millions d’euros de TVA, sans compter les droits, taxes et vignettes qui s’y rajoutent), nos 5525 points de vente Cavistes emploient près de 10 500 personnes. Chaque jour, plus de 160.000 clients achètent du vin à un Caviste en France !
A 78,6% indépendants, nous sommes des entrepreneurs qui nous consacrons totalement à la valorisation de la Culture du vin et des alcools de qualité.
Notre rôle de relais auprès du consommateur permet la transmission et l’apprentissage des connaissances et savoir-faire nécessaires à la dimension culturelle de cette consommation.
Nous nous opposons à toute atteinte à notre légitime capacité de communiquer sur cette Culture. Il s’agit pour nous d’un socle identitaire fondamental pour notre pays, qui s’inscrit dans un patrimoine plusieurs fois millénaire et porteur de civilisations depuis son berceau méditerranéen. Le vin est indissociable de nos influences spirituelles, tant en matière de religions, qui lui consacrent toutes un rôle majeur, qu’en termes de revendications d’émancipations, à l’origine des modèles de république et de démocratie dont nous portons toujours haut les valeurs.
Notre métier repose sur le Conseil au bon usage et à l’apprentissage du principe de dégustation et d’éveil des sens, la modération faisant de fait partie de cet art de vivre si valorisant pour notre pays.
Paris, le 18 février 2015