Lettre ouverte adressée à :
La mise en œuvre récente de la loi Alimentation, suite aux Etats Généraux de l’Alimentation, a réduit les marges de manœuvre de la grande distribution en matière d’usage de promotions destructrices de valeurs.
Mais elle continue d’utiliser les Champagnes comme produits d’appel. Et cela alors que les cavistes de France pourraient être les premiers ambassadeurs de l’appellation qui (re)trouverait ainsi ses lettres de noblesses et les moyens de répondre à ses enjeux.
Pour la GD, les Champagnes restent des produits d’appel
Rayon Boissons a surpris cet été les coupables le doigt dans la confiture. Une énième dénonciation de Champagnes proposés à la vente à moins de 10 euros.
Ces affaires ne sont que la partie visible d’un iceberg que la nouvelle loi ne remet pas en cause : depuis des années, plus de la moitié des Champagnes vendus dans les rayons de la GD le sont dans le cadre de promotions.
Alors, forcément que ces nouveaux coups médiatiques ont été rendus possibles grâce à un subtil jeu de seuils maximal de promotion de la part des acheteurs GD … mais cela n’aurait pas été possible si ces Champagnes n’avaient pas été achetés à très bas prix !
Des transactions qui permettent aussi à certaines des marques emblématiques de la Champagne d’apparaitre au creux de l’été dans les rayons du hard discount Lidl.
Et comme les stratégies de ces circuits de masse restent les mêmes, c’est en tant que produits d’appel que les Champagnes y sont ainsi proposés à des tarifs trop bas pour que les distributeurs sérieux continuent de les référencer. Quelle tristesse de voir la plus belle appellation de France se brader à des tarifs dangereux pour le maintien du modèle champenois !
Ces comportements abiment en profondeur le positionnement de l’appellation.
Aujourd’hui, vendre « normalement » du Champagne n’est plus possible
Le positionnement des Champagnes est donc contesté … même chez les cavistes
Par ces comportements réguliers, la GD continue donc de plomber le positionnement prix de l’appellation ; ces prix bas sont en effet destinés à être médiatisés afin d’attirer dans la grande distribution les clientèles à l’affut de « bons plans ».
L’effet recherché est donc bien de marquer les esprits … la conséquence en est que pour les consommateurs, ils servent de référentiels à atteindre.
Les conditions d’achats concédées aux cavistes par les champenois provoquent donc de vraies distorsions de concurrence entre circuits de masse, type GD, et les circuits spécialisés, composés essentiellement de toutes petites entreprises.
Ce qui continue à détourner de plus en plus de cavistes de toute incitation à valoriser les marques de Champagne qui leur sont proposées à la vente… quand ce n’est pas à se limiter leur gamme à quelques références « de service » afin de répondre aux demandes spécifiques de Champagne et à orienter sinon leurs clientèles vers des alternatives plus motivantes.
Il faut jouer activement la carte des cavistes de France
Pourtant, l’enjeu pour les champenois, dont les équilibres sont fragilisés par des taux de livraison au Négoce qui vont forcément poser la question des débouchés à donner aux grandes signatures, est de sécuriser leur positionnement et leur image en France. Car c’est cette image, associée à l’art de vivre à la française, qui les fait rayonner à l’export.
Pour qui sait travailler avec eux, les cavistes sont des partenaires solides car chez eux les prix et les ventes sont stables et les partenariats durables.
A l’inverse, cette politique de prix bas et la dépendance aux promotions menacent le positionnement du Champagne, y compris à l’export.
Rappelons l’importance du Champagne au sein du secteur des vins et spiritueux, un des rares qui génère des excédents pour la balance commerciale française, à côté du Luxe, de l’aéronautique et de l’armement militaire. Comme pour le Cognac, les bulles françaises font rentrer du PIB car elles se vendent chères. Mais si l’évolution du premier a totalement coupé ce vignoble de son marché domestique (il n’y a plus que les touristes pour acheter du Cognac dans nos boutiques), le rendant aujourd’hui très fragilisé par les risques de retournements de ses grands marchés, ce n’est pas le cas du modèle champenois qui vit aujourd’hui d’une forte énergie productive et commerciale locale.
Pourtant, en n’alimentant pas qualitativement les cavistes de France c’est l’ensemble de la région qui s’éloigne des publics que les cavistes forment, informent et conseillent. Et notamment de ces nouvelles clientèles qui découvrent nos univers et sont curieux de découvertes et de nouveautés.
Ce ne sont pas seulement des vins et alcools que les cavistes proposent à leurs clientèles. Ce que les cavistes transmettent à leurs clients, c’est surtout la clé d’entrée vers un certain Art de vivre, un positionnement, une culture, exigeante, qualitative, accessible grâce à une formation à la responsabilité et une éducation aux goûts, à l’expérience sensorielle. L’évolution en profondeur de nos clientèles, et notamment celles féminines de plus en plus nombreuse chez les cavistes, souligne cette bascule en cours et l’importance du caviste dans son rôle de conseil, de repère culturel. Ce qui se traduit aussi par le renouvellement profond de notre métier sur tous les plans : en 2018, les cavistes femmes dirigeaient une boutique sur cinq et si un tiers de nos boutiques ne comptent aucun salarié hormis le gérant, chez les autres, nos équipes sont composées pour un tiers de femmes.
Les gammes des cavistes sont les notes de cette partition. Si la note du Champagne ne sonne plus correctement, leur professionnalisme les incitera à lui trouver des substituts et à créer de nouvelles compositions qui s’habitueront à sa rareté voire à sa disparition.
Les meilleurs ambassadeurs des vins de Champagne
En France, près de 14 500 personnes travaillent dans nos boutiques et interprètent les œuvres élaborées par les vignerons et producteurs. C’est cet orchestre de spécialistes passionnés qui font découvrir et apprécier vos cuvées aux consommateurs.
Mais les cavistes, comme leur collègues CHR, ont besoin de conditions adaptées à la réalité de leur activité, qui implique de faire déguster, de conseiller et d’alimenter les restaurateurs à proximité. Il leur faut des tarifs « à la coupe », des possibilités d’achat par petites quantités, des tarifs adaptés à leur taille. Et évidemment une tarification cohérente par rapport à ce qui est pratiqué en cas de vente directe : une fois dégusté votre vin, la première chose que vérifiera le caviste c’est s’il peut pratiquer son prix de vente aux consommateurs sans se retrouver court circuité par le tarif propriété … et si vous ne le fragilisez pas par une distribution concurrente.
Si besoin, vous pouvez vérifier qu’un distributeur est bien caviste en consultant le module de géolocalisation du site www.cavistesprofessionnels.fr (nous contacter en cas de doute).
Et sur cette carte, vous pouvez même vous assurer de son professionnalisme en vérifiant qu’il est membre du Syndicat des Cavistes Professionnels. Nous sommes en effet prêts en cas de soucis à servir d’intermédiaire entre un fournisseur et un de nos adhérents.
Le 18 septembre 2019,
Patrick JOURDAIN,
Président du Syndicat des Cavistes Professionnels
- Copie à :
- Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances,
- Monsieur le Président du Conseil spécialisé Vin et Cidre de FranceAgriMer,
- Mesdames et Messieurs les responsables de rédactions Presse.