C’est à boire qu’il nous faut !
Par Yves Legrand, président d’honneur du SCP
Ce dimanche 19 mai 2019, veille de notre assemblée générale, nous étions une vingtaine de cavistes réunis dans le mythique restaurant « Au Coq à Juliénas » à l’initiative et avec les vignerons de Juliénas.
Ah, le coq « ivre de Juliénas », à Juliénas, cuisiné avec talent par la cheffe Marie Dias qui, en reprenant récemment cette maison créée en 1923, a démontré ainsi sa volonté de perpétrer la légende de ce lieu !
Car, avant et pendant la dernière guerre, les journalistes du Canard Enchainé venaient s’y ressourcer et s’y cacher. Mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente,… surtout avec du Juliénas. C’est de là qu’est né « le saint Juliénas des Près », parrainage de Saint Germain des Près à Paris avec le village de Juliénas .
N’est-ce pas une nécessité de survie que de fréquenter intimement la dive bouteille ?
Tim Harrison écrivait dans son livre Aventure d’un gourmand vagabond : « L’acte physique élémentaire consistant à ouvrir une bouteille de vin, apporte davantage de bonheur à l’humanité que tous les gouvernements de l’histoire de la planète ».
D’accord avec cette poésie. Mais regardons la réalité économique en face.
Prenons justement le cas de l’AOP Juliénas. Une production de 600 ha. Donc une petite production. Et bien malgré cela, malgré cette rareté, le cours du vrac se situe à 2,50 € le litre. A ce prix-là, le vigneron va disparaître. Et ce pour deux raisons principales : à ce prix-là, il ne peut pas investir pour s’orienter vers la culture en bio ; il est souvent soumis au bon vouloir du négoce.
J’entends ce refrain depuis des années. Quand un vigneron indépendant disparaît, c’est un peu notre métier « d’indépendant » qui est également touché.
I have a dream qu’un jour les 5700 cavistes se rassemblent et que les vignerons comprennent, ingurgitent, avalent, que notre survie, notre développement à tous nous lient autant que le raisin au pressoir.
J’entends déjà les commentaires : « le vieux, il était temps qu’il arrête la présidence du SCP ! ».
Au cours de cette soirée du 19 mai à Julienas, j’ai rappelé l’histoire du Juliénas non chaptalisé que j’avais vécue avec mon père. En 1976, nous avions demandé à Paul Audras, président de la cave coopérative, de nous vinifier 100 hectolitres de Juliénas sans chaptalisation. L’idée même passait pour la plupart du milieu comme le sacrilège ultime. Un « bojo » sans betterave était inimaginable ! Merci à Paul et Vincent Audras d’avoir su résister à la pression conformiste et de nous avoir accordé cette confiance qui est devenue une amitié.
Il ne s’agissait pas pour mon père et moi-même de lancer une mode genre « bobo vin nature », (je reviendrai dans une prochaine chronique sur la dénomination « vin nature » ), non, pas du tout. Mais de pallier à un constat tout simple : l’excédent d’alcool rendait le vin agressif, déséquilibré et il ne remplissait plus, du coup son rôle originel de « désaltérer ».
Aujourd’hui, la dénomination « bio » me fait penser aux résistants de la dernière heure !
La liste des vignerons de Juliénas qui ont participé au diner des cavistes au Coq à Juliénas, ce dimanche 19 mai 2019 :
- VOLUET Marie-Line : dmlvoluet@orange.fr
- TETE Michel : domaine@micheltete.com
- DEPARDON Alexandre : contact@beaujolais-depardon.com
- BERTHELON Aurélien : Aurelienberthelon@orange.fr
- CONDEMINE Thierry : thierrycondemine@chateaudejulienas.com
- MATRAY Célia : matray.celia@hotmail.fr
- PEYTEL Alain : alain.peytel@wanadoo.fr
- AUDRAS Vincent : vincentaudras@orange.fr
Et merci à Robert Perroud pour la visite très appréciée de ses vignes en permaculture et du Geo Park du Mont Brouilly : robertperroud@orange.fr
Pas une marque, pas un parti politique qui n’accroche pas « bio » sur son drapeau !
On est dans le coca-light et demain on sera dans le Monsanto-Bayer bio, le tout bien malaxé par du RTL ou BFMTV et t’es niqué en douceur …plus c’est gros, plus ça passe !
Ne vous inquiétez pas, pensons d’abord à l’essentiel. Nous, cavistes, nous grandissons en proposant des produits que nous connaissons « de corps et d’esprit ».
Ce dimanche 19 mai au soir, Paul Audras, le père, à 92 printemps, quittait le restaurant « le Coq à Juliénas ». En m’embrassant affectueusement, celui qui a consacré tant d’années de sa vie aux autres, en tant que maire ou dirigeant la cave coopérative du village, il me dit « Tu sais finalement, on a fait beaucoup de conneries et pas beaucoup de miracles ».
….
On vit une époque moderne, alors à bientôt !?