Les vendanges s’achèvent. Sous des températures douces et agréables, une tiédeur qui permet de respirer un peu. Car de plus en plus souvent le temps devient excessif. Et binaire.
Une accalmie donc, à savourer. Comme un bon verre de vin. Ou plutôt, comme un verre de bon vin. Ou comme une bonne bière. Bref, comme ce que l’on trouve chez les cavistes.
Car c’est dans les périodes tourmentées que les repères sont particulièrement importants. Les produits vendus par les cavistes, parce que synonymes de tradition, de qualité, naturels, sains, sont de ceux là.
Nos bouteilles à la mer ?
A se demander si nous n’allons pas tous finir par avoir le pied marin, à force de devoir nous réaccrocher à de nouvelles prises à chaque nouvelle bourrasque. Souquez, souquez en attendant la prochaine vague qui fera tanguer nos chaloupes de plus en plus frêles …
Des réflexes auxquels nous sommes peut-être, cavistes et amis de cavistes, moins formés que d’autres car, en effet, le monde du vin est plutôt un univers de terriens, bien ancrés sur leurs terroirs. C’est toute leur force. Ou la raison de toute leur inertie.
Pourtant, rien n’est impossible à qui s’y attend. La preuve : des vignerons testent les vertus de l’océan sur la maturité des vins…
Car il va falloir chercher en soi la force qui peut commencer à manquer, car mine de rien, peu d’accalmie à la tempête et la rentrée est déjà électrique.
C’est pourtant clair, ce qui était n’est plus et il est temps de regarder ce qui se profile plutôt que de mettre en place les autobloquants en regardant le rétroviseur.
A nouveau cette année, la chute de la production de vin en France est confirmée : l’Agreste, bien que contestée, évoquait dès le début du mois une vendange française plafonnant à 43,4 millions d’hectolitres, soit un niveau inférieur de 12 % à celui de 2018 et de 4 % à celui de la moyenne des cinq dernières années. Mais des opérateurs évoquent des baisses beaucoup plus fortes (-20% dans tous les vignobles du Sud …). Personne ne peut nier la brutalité et surtout la régularité des « évènements » climatiques subis ces derniers mois et que les règles et conditions de production des vins vont devoir être repensées.
Et comme à ces considérations productives s’ajoutent des enjeux de marchés aux conséquences particulièrement déstabilisatrices, il est plus que temps d’apprendre à nager en eaux troubles.
Même l’autruche doit changer de stratégie
Entre l’incertitude du Brexit, les susceptibilités américaines, les offensives chinoises, les détresses des pays du Sud et les peurs du milliard doré (selon l’expression consacrée par les post-soviétiques pour évoquer les populations des pays développés occidentaux accusées de tondre le reste du monde, pays d’influence russes compris), les temps à venir vont être … compliqués car aujourd’hui on ne peut plus faire semblant : nous sommes tous concernés.
Et difficile de ne pas déplorer les attitudes et réactions anachroniques de ceux qui n’ont pas encore compris à quel point le monde change et qu’il va falloir changer de paradigmes.
Parmi tous les loupés et gestes manqués, quelle tristesse en effet de constater en France le lâchage en règle de la fête de la gastronomie qui, à cette époque de l’année, progressivement s’installait dans les habitudes et suscitaient de vrais élans positifs et de collaboration entre les métiers sur le sujet du goût et du plaisir de manger.
En confiant les clés à Ducasse, la présidence a naïvement (?) sabordé toute la dynamique d’un projet trop populaire pour intéresser les seuls acteurs du luxe international. Et c’est le tissu social artisanal et commercial français qui en fait les frais.
Et que dire de la filière viticole française qui ne vise plus que l’international pour écouler ses hectolitres de vins moyens, industriels oubliant au passage que la renommée de ses grands crus a été nourrie des mythes gargantuesques, gouailleurs, heureux, artistes et sonores qui toujours, ont fait chanter l’âme française.
«Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas » (A Malraux ?)
Face à un monde qui va à vau l’eau, nous devons anticiper aujourd’hui ce que seront nos positions d’avenir. Et quand bien même le pire ne serait pas au rendez-vous, les alertes sincères d’une jeune Fifi Brindacier doivent inciter au minimum à nous préparer à un nouveau monde. Et à rassurer tous ces jeunes, tous ces gens légitimement inquiets. Quoique sera ce nouveau monde, il sera vivable si nous replaçons l’humain au cœur des enjeux.
Et c’est là qu’est le rôle du caviste.
La présence du vin dans les scenarios de science fiction des grands blockbuster de ces dernières années accompagne toujours un moment de réconfort. C’est le prétexte voire le support à la discussion entre personnalités fortes et qui se connectent pour faire avancer les réflexions et les décisions. C’est le symbole du couple qui se retrouve et profite de l’accalmie pour vivre intensément cette phase éphémère de bonheur, avant de se perdre ou de retourner au combat.
Car le vin, le VRAI, c’est le goût. C’est se satisfaire de sa complexité. La culture du vin, c’est l’ « anti Temps de cerveau disponible ». Et c’est ce qui la rend intemporelle.
Plus que jamais, le caviste est donc ce chasseur d’arômes que décrit notre président d’honneur dans son mot d’humeur viticole, par lequel il exprime ce qui fait pour lui le cœur de ce qui est plus qu’un métier, une vocation, un sacerdoce certes païen mais en tous cas profondément spirituel.
Le battement d’aile du papillon
C’est le métier du caviste de diffuser ces savoirs et savoir être aux consommateurs. Car le vin est avant tout un liant social, du genre de ceux qui font avancer les idées et les sociétés.
Il ne faudrait pas que leurs producteurs l’oublient et s’arcboutent dans des postures aussi corporatistes et destructrices que celles qui actuellement tentent de bloquer toute réforme du pays. Qu’on le veule ou non, que ça nous arrange ou pas, les modèles de production mis en place au sortir de la 2ème guerre mondiale doivent évoluer. Et s’il est légitime d’être mécontents de devoir changer ses habitudes, il est idiot, voire pire, de ne pas voir la vague de fond actuelle concernant la santé et le respect du vivant. Comme il est incompréhensible de s’opposer au recyclage des matériaux, de tous les matériaux, y compris le verre. La position très arrêtée de la CNAOC cet été sur le sujet de la consigne en est même … choquante.
Pourtant, la filière viticole compte quelques modèles qui avaient été particulièrement avant-gardistes… Le modèle champenois par exemple, qui réussit à mettre en place un modèle économique à l’équilibre exemplaire basé sur la redistribution. THE modèle alternatif à une époque où le monde s’opposait entre économie administrée et libéralisme.
Et qui pourrait redevenir pertinent.
Grâce à la force visionnaire de ses élites et à la qualité de la culture syndicale qui fait toujours la cohésion sociale de la région. Des vrais atouts culturels qui ont fait la force de la région et de l’appellation Champagne car elle a permis à ces opérateurs de créer à partir de leur force, leur terroir, un modèle qui profitait à tous, y compris aux consommateurs. Ce sont ces réflexes de bon sens que les cavistes voudraient réactiver en ce début de XXIème siècle tourmenté, en interpellant les champenois par une Lettre ouverte aux Maisons de Champagne, aux vignerons et aux coopératives et qui les appelle à intégrer dans leur réflexions collectives le rôle pris par les cavistes, c’est-à-dire par ceux qui portent l’image qualitative du Champagne sur le marché français.
Le caviste, nouveau gardien de la boite de pandore
Car les cavistes aussi se doivent de comprendre en quoi leur métier change. Ils ne sont plus de simples relais commerciaux. Aujourd’hui il ne s’agit plus seulement de créer une marge en apportant aux consommateurs une sélection adaptée de produits spécifiques.
Alors que la relation au vin et à la boisson alcoolisée en général change et que les concurrences purement commerciales sont permanentes, le caviste doit apporter aujourd’hui davantage.
A ce titre, les discussions entre cavistes italiens et français éclairent sur les différences et points communs entre les deux pays car malgré des bases culturelles quant à la relation au vin différentes, quoique voisines, les évolutions des attentes clients sont parallèles : le caviste se doit d’être de plus en plus souvent formateur, transmetteur, bref, ajouter à son métier de commerçant originel un volant intellectuel qu’il faut valoriser. C’est en tous cas le constat établi dans ce 2ème article qui permet aussi de découvrir les préoccupations de nos confrères européens.
Valoriser la profession et hisser les cavistes au rang de référents incontournables.
C’est en France l’enjeu même du Concours du meilleur caviste. La prochaine édition aura lieu en 2020. Avec quelques grosses évolutions. Notamment celles apportées par le nouveau partenaire du Concours, la société Terre de Vins. Grâce à une équipe de partenaires en tête desquels, toujours, les maisons du groupe Thiénot, partenaire historique et fidèle des cavistes, la société de presse, née il y a 10 ans et en plein essor alors que le modèle même de la presse traditionnelle boit la tasse, va apporter au Concours son professionnalisme en matière d’évènementiel. Ainsi qu’une audience large et de qualité auprès des amateurs de vins et clientèles des cavistes, grâce notamment à son journal et aux réseaux sociaux.
Le professionnalisme du caviste s’exerce en effet de plus en plus alors qu’il devient Apprenant. C’est en effet clairement ce qui lui est reconnu par ses clients. Le caviste n’est plus seulement un lieu de référence. C’est une personne de référence. Rappelons que 60% des cavistes proposent aujourd’hui des initiations ou cours de dégustation. La nouvelle campagne de communication lancée par la filière viticole à travers l’association Vin et Société insiste sur ces nouvelles approches gustatives qui doivent, selon les règes de l’art, déboucher sur le crachement. Un geste qui perturbe. Ou qu’il faut apprendre. C’est l’objet de cette campagne que les cavistes ont tout intérêt à intégrer à leurs dégustations.
Et comme il n’y a pas que le vin qui réconforte et fait du bien, et que les cavistes l’ont bien compris en ouvrant très largement leur boutique aux nombreuses références de bières artisanales ou locales qui se multiplient ces dernières années, nous vous annonçons la sortie de la 2ème édition de la bible des brasseries indépendantes, déjà référence en la matière.
« Choisis en politique le bon ordre. Choisis en affaire l’efficacité. Choisis pour agir l’opportunité. Ne rivalise point : tu seras sans reproche. »
Il n’y a en effet pas que le vin pour susciter l’émotion des sens et la découverte des arômes. Avec leurs games de spiritueux, les cavistes vendent aussi ce que les grands explorateurs ont rapporté de leurs voyages. Les cavistes ont donc déjà ce pied marin prêt à l’aventure.
Des mutations sont en cours dans ce secteur, le commerce digital est en effet un véritable enjeu dont il va falloir se saisir. L’actualité récente est forte à ce sujet et les cavistes, unis et rendus forts grâce à leur Syndicat des Cavistes Professionnels (SCP), restent très vigilants et font entendre là encore leur position.
Les cavistes sont des commerçants physiques et ils restent attentifs à ne pas de retrouver simples distributeurs commissionnés ou des points de relais facultatifs.
Ils choisissent les références qu’ils veulent proposer à leurs clientèles, décident également de la façon dont ils présentent ces marques, qu’ils poussent auprès de consommateurs qu’ils ont fidélisé et ils ne souhaitent pas être dépossédés des fruits de ces savoir-faire.
Ces sujets, et d’autres, seront à aborder lors de la journée Vino Semper qui aura lieu le 21 octobre (voir programme et présentation de cette journée réservée aux cavistes membres du SCP et à leurs partenaires).
Ce rendez-vous annuel se veut moment d’échanges et de débats entre cavistes professionnels et partenaires fournisseurs.
Des gouttes qui font les ruisseaux
Bonne lecture de ce nouveau numéro de la Lettre d’Informations des Cavistes.
Et si vous êtes arrivé.e jusqu’ici, ajoutez votre goutte à l’édifice : adhérez au Syndicat des Cavistes Professionnels,
soit en téléchargeant et renvoyant le formulaire ci-joint.
Que ce soit pour participer au concours en 2020, pour vous informer des évolutions du métier, pour participer à nos rendez-vous inter-cavistes, pour renforcer la « vague caviste » … ou par pur esprit civique.
Une démarche utile et plus que jamais d’actualité car pour peser là où sont décidées les règlementations sociales ou autres qui encadrent le métier du caviste (entre autres),
il faut pouvoir y siéger.
Et c’est la base d’adhérents qui fait toute la différence.
2019 est une année décisive pour le calcul des représentativités des différentes organisations professionnelles (en l’occurrence, le SCP pour représenter le métier de cavistes) au sein des branches professionnelles,
donc c’est aujourd’hui que votre geste d’adhésion compte ! Merci d’avance et à bientôt.
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