Le métier de Caviste se révèle porteur d’une modernité que la crise sanitaire a bien mise en évidence. Mais au-delà des compétences personnelles qu’apportent les passionnés qui rejoignent le métier, le passage de témoin entre cavistes implique de s’approprier des schémas de pensées et outils opérationnels adaptés à l’évolution générale de la société. Des apprentissages complémentaires à la nécessaire transmission humaine qui fait toute la valeur du circuit. Et que les formations doivent intégrer afin de bien préparer les nouvelles générations.
Une activité restée solide malgré le contexte
La fin d’année a été bonne pour les commerces de proximité en général et particulièrement pour les cavistes, selon l’étude réalisée par la CGAD (Confédération générale de l’Alimentation de Détail) en février : 48% des 702 entreprises qui y ont répondu ont communiqué sur une activité en hausse et 25% sur une activité stable par rapport à l’année passée.
Des taux bien supérieurs chez les cavistes répondants dont 85% ont signalé une activité en croissance (de 10 à 20% pour 56% d’entre eux, voire plus, soit là encore nettement plus que la moyenne des autres commerces alimentaires de l’étude, qui ont répondu pour 69% d’entre eux avoir accru leur CA de décembre de 10 à 20%) et 10% stable.
Les résultats sur l’année sont certes moins euphoriques mais ils confirment que les cavistes s’en sortent mieux que la moyenne des commerces alimentaires de proximité. Certes, les situations sont contrastées entre des locomotives, majoritaires, soit 46,8% de cavistes (contre 37% en moyenne tout commerces confondus), qui disent terminer 2020 avec un CA en hausse par rapport à 2019 (de 10 à 20% pour 7 cavistes sur 10) et un gros tiers d’entreprises (34%) qui déplorent une baisse (de 10 à 20% dans les deux tiers des cas, notamment en zone périphérique) ; à comparer aux 44% des commerces alimentaires de proximité spécialisés qui ont déploré une activité en baisse sur l’annuel (dont beaucoup plus de baisses très supérieures à celles des cavistes).
Les cavistes bénéficient d’une double tendance
Malgré cette période maussade, la profession est donc restée solide, les incertitudes conduisant nos concitoyens à chercher à se réconforter et à privilégier ainsi les valeurs « refuge » que sont, dans notre culture du bien vivant, les produits à forte identité et de gastronomie. Ce que sont assurément les univers vendus par les cavistes.
Certes, les cavistes installés dans les zones urbaines aux habitats très concentrés ont particulièrement bénéficié de la période. Il faut dire que pour des populations enfermées chez elles dans des logements exigus, retrouver des moments de plaisir grâce au goût des bonnes choses devient une vraie stratégie d’évasion spirituelle.
Et les cavistes, et commerces de gastronomie-plaisir, des zones plus rurales et moins concentrées ont, eux, davantage été pénalisés par l’absence de réunions de famille, rassemblements conviviaux et autres occasions de rencontres et de sortir de l’entre-soi.
Mais au-delà de ce positionnement globalement porteur dans la conjoncture actuelle, les cavistes surfent aussi sur des valeurs dont l’importance s’est révélée majeure pour de plus en plus de consommateurs avec la crise : des productions d’artisans, en circuits courts, des commerces de proximité, rassurants, qui proposent des gammes de qualité et accessibles.
Et des relations humaines et régulières qui permettent de « faire société » et de sortir de l’anonymat qui isole et angoisse dans les grandes villes. Un rôle et des valeurs qui attirent.
La combinaison de ces deux tendances a donc permis à beaucoup de cavistes de quasiment compenser l’absence des ventes aux restaurateurs, contraints à la fermeture.
Se préparer à l’accueil des nécessaires nouvelles générations de cavistes
Les voyants sont donc au vert pour la profession qui devrait conserver voire renforcer sa place dans le monde d’après. La forte couverture médiatique qui accompagne la (relative) bonne santé des cavistes après 1 an de covid dope du coup le circuit d’une image d’accessibilité et de légitimité qu’il lui fallait renforcer.
Une ouverture plus large, donc, pour réussir à s’adresser à une population plus diverse que la seule société traditionnelle des amateurs de vins. Ce qui nécessitera aussi d’attirer et former des représentants de cette société plurielle, urbaine et qui n’aura pas baigné dans le folklore dionysiaque dès sa plus tendre enfance.
Car 30% des établissements Cavistes devront renouveler leur gérants ou responsables de magasins d’ici 10 ans selon une estimation établie à partir des années de naissance des responsables de points de vente. Et déjà 15% dans les cinq prochaines années.
L’énergie forte qui anime donc le circuit actuellement devra donc rayonner suffisamment pour attirer ses nouvelles recrues et être communiquée à ses nouveaux arrivants.
Ces renouvellements générationnels justifient des dispositifs d’intégration et de formation adaptés afin que ces nouveaux cavistes se professionnalisent suffisamment vite pour nourrir eux-mêmes l’image rassurante, de fiabilité et de stabilité que doit désormais renvoyer la profession.
Quand transmettre devient une nécessité
Pour les générations d’indépendants qui vont donc prochainement « prétendre à exercer leur droit à la retraite », le niveau de celle-ci va dépendre en grande partie de la revente de leurs fonds. A chacun de comprendre l’importance de cette réflexion gestionnaire et de valoriser son entreprise comme il se doit afin de susciter des reprises profitables à tous.
Malheureusement, les patrons cavistes n’ont pas forcément conscience de l’importance de ce qu’ils transmettent lorsqu’ils accueillent des stagiaires ou apprentis issus des différents centres de formation au métier de caviste.
« Le caviste est un métier avant tout humain et de transmission ; c’est lamentable que des chefs d’entreprise cavistes puissent ainsi aussi peu s’impliquer dans ce rôle essentiel de formateur des nouvelles générations » déplorait P. Jourdain en 2019, président et fondateur du Syndicat des Cavistes Professionnels (SCP) à l’issue d’un quasi-tour de France des jurys de CQP Vendeur Conseil – caviste..
Apporter les bons mots
Avec la révolution du numérique, la société a placé la communication au centre de ses relations ce qui impacte tous ses champs. Y compris les formes traditionnelles de commerce. Car il ne suffit pas de Savoir pour rayonner.
Il faut transmettre et susciter l’appétence de son interlocuteur pour la découverte.
Le caviste doit réussir à diffuser ce qui fait la différence entre les vins et boissons d’origine et de qualité qu’il vend et les productions industrielles vendues par la concurrence ainsi que l’originalité de sa gamme par rapport à celles de ses confrères. Il doit donc ouvrir à ses clients le champ sémantique qui exprime la richesse de l’univers du goût.
Et ainsi leur permettre d’y rentrer. Le vocabulaire est en effet le premier moyen de signifier le contenu, l’exposition et le prix étant d’autres signaux plus simples à comprendre mais plus réducteurs. C’est ce qui positionnent les cavistes en tant qu’acteurs et ambassadeurs culturels. Un rôle de transmetteur qu’ils doivent adapter à la réalité de nouvelles générations qui ont développé des approches culturelles différentes de leurs ainés.
L’expérience du nouveau Meilleur Caviste de France, Matthieu Potin est elle-même éclairante, lui qui assume le fait de « ne pas lire », ce qui ne l’empêche pas d’être brillant, et qui met en scène dans la cave La Vignery qu’il dirige à Saint-Germain en Laye (78) un positionnement différent des caves qu’il qualifie de « cavistes-libraires ».
Enrichir et valoriser sans cesse son champ culturel
« Quand un amateur peut rester sans voix, un professionnel peut trouver les mots ».
C’est le slogan judicieux proposé par l’Ecole des vins de Bordeaux qui s’adresse aux cavistes par des e-ateliers Bordeaux, un exercice destiné à faciliter l’auto-formation des professionnels ou amateurs, comme le propose aussi le MOOC conçu par le Comité Champagne.
La plupart des régions viticoles qui déploient des dispositifs de formation-sensibilisation à la connaissance des richesses vigneronnes accessibles en ligne.
Mais ces outils de communication restent complémentaires des voyages vignobles et autres rencontres avec des vignerons : les relations directes et humaines restent essentielles pour saisir la réalité des terroirs et de leurs personnalités et comprendre ainsi mieux leurs productions. Mais covid oblige, le développement des formations en ligne et autres webinars accompagnés ou nom d’échantillon apporte de la matière à la formation académique et sensorielle de nombreux cavistes ou futurs-cavistes passionnés qui construisent ainsi leur parcours de formation.
Des formations à imaginer
L’auto-apprentissage est certes une méthode efficace et progressiste. Les modèles éducatifs alternatifs qui valorisent la responsabilisation de l’élève pour développer ses propres appétences sont considérés comme les plus épanouissants et nul doute que des publics adultes et motivés y trouvent là les outils utiles à leur montée en compétences.
Ce qui n’empêchent pas d’y ajouter des dispositifs d’évaluation permettant de justifier de ces connaissances et compétences auprès des tiers et de les transformer en compétences reconnues et valorisables par l’emploi ou la reconnaissance par le banquier et autres organismes utiles à l’ouverture de son propre établissement.
Le rôle croissant des WSET et leur influence en tant que référentiel devenus légitimes dans nos formations participe au développement de ce modèle d’auto-formation. Le MOOC Champagne propose aussi de délivrer une certification.
Mais s’auto-former à ses limites. Déjà celles de peut-être oublier complètement un champ de compétences que l’on aurait sous-évalué.
Rappelons que le métier de caviste n’est pas soumis à une obligation de formation contrairement à la plupart des métiers du commerce alimentaire (qui manipulent des produits frais nécessitant le strict respect des conditions d’hygiènes et sanitaires) ou de la restauration (qui impliquent de gérer la consommation sur place et ses conséquences sociales et d’ordre public).
Des parcours de formations encore assez hétérogènes et inégalement répartis sur le territoire
La réforme de la formation professionnelle de 2018 a assurément professionnalisé aussi ce secteur. Mais l’hétérogénéité des organismes et formules qui aujourd’hui proposent de former des cavistes cavistes (voir liste sur le site du SCP) rend toujours nécessaire que les étudiants-cavistes soient particulièrement acteurs de leur parcours de formation quitte à compléter ce qui doit l’être.
Les trajectoires individuelles de plusieurs jeunes cavistes en attestent ; la plupart de ceux que nous avons interrogés sont sortis du cadre général dès le secondaire pour s’orienter vers des établissements professionnels, école hôtelière notamment :
C’est le cas de Julien Lepage (Caviste d’Argent 2020), guérandais d’origine qui, une fois en école hotellière, décide de travailler dans le monde du vin. Ne trouvant pas de patron caviste pour le prendre en apprentissage du côté de Toulouse, il répond à une offre d’emploi de La Vignery qui l’a inscrit en formation CQP à l’Ifopca où il a « eu la confirmation d’avoir fait le bon choix, grâce à la passion qui animait deux intervenants particulièrement motivants, Frank Sauvey et de Dominique Ducreau … ».
Le caviste, une histoire avant tout humaine de passeur d’émotions et de passion … Un début similaire pour celui qui est actuellement son patron et qui l’a conduit jusqu’au podium. Passé par l’école hotellière également, Matthieu Potin était décidé à « ne pas être porteur d’assiettes toute sa vie » et c’est en s’orientant vers ce qui apparaissait alors comme « plus noble », le Bac pro de Sommellerie, qu’il a mis le pied dans ce qui le conduira à devenir caviste.
La suite, il l’a décrite lors de sa consécration en 2020 en tant que Meilleur Caviste de France 2020 ; La passion avant tout, et La Vignery qui lui a permis d’acquérir la formation adéquate et de développer la forme d’activité correspondant à son dynamisme et son état d’esprit d’entrepreneur.
Le Savoir-être, des codes sociaux qui valorisent l’art du service et du Caviste
Également passé par l’Ecole hôtelière, c’est suite à un parcours brillant de sommelier qu’Alexis Zaouk, désigné Meilleur jeune Caviste de France 2020, a finalement opté pour le métier de caviste. Deux ans de BEP puis un Bac Pro et 10 années dans les plus grands palaces pour y constituer des cartes des vins exceptionnels… Mais la maturité venue, et son mariage, l’ont incité à retrouver des horaires de travail plus compatibles avec la vie de famille et il imagine naturellement concrétiser sa grande expertise en matière de vins en s’installant comme caviste, à Nanterre.
Mais quelques déconvenues au départ néanmoins lui remettent quelques pendules à l’heure : « je pensais naïvement que Qui peut le plus peut le moins et que le fait d’avoir été chef-sommelier de Ducasse me rendait capable d’être caviste … mais je me suis pris les pieds dans le tapis et il a fallu que je change radicalement de façon de travailler».
Faute avouée à moitié pardonnée et Alexis a rapidement compris qu’il ne suffisait pas de sélectionner sa gamme comme il élaborait la carte des vins de chez Ducasse sous peine de se voir très rapidement enfermé dans l’image caricaturale (et dont les cavistes cherchent justement à se démarquer) de vendeur de « vins pour les grandes occasions ».
Donc une quête beaucoup plus complexe qu’il ne le pensait de vins accessibles pour la consommation régulière et quotidienne. « Ce n‘est pas pareil d’acheter des vins avec des capitaux qui ne sont pas les tiens, ce qui est le cas du sommelier, alors que le caviste, lui, doit en plus gérer sa trésorerie ».
Ce qui l’a conduit après quelques moins d’ouverture à devoir « brader ses coefficients », regrette t’il avec le recul : « En fait, comme le dit Aude Legrand, savoir acheter, c’est savoir ne pas acheter ».
Son retour d’expérience le rend donc vigilant quant aux points qui lui ont manqué lors de ses différentes formations et qui devraient être abordés de façon spécifique dans une vraie formation Caviste : « outre une formation approfondie en matière de vins et produits, ce qui est la base, il faudrait une vraie formation à la comptabilité et qui permette de comprendre comment on doit piloter la trésorerie, etc. »
Mobiliser des connaissances de l’amont jusqu’à l’aval pour les transformer en compétences
Pourtant des formations émergent qui apportent globalement les compétences utiles.
Difficile d’imaginer que le jeune caviste d’Argentan, Marc Pottier, n’avait pas spontanément pensé au métier de caviste quand on le connait aussi passionné aujourd’hui. Une scolarité en lycée générale qui débouche sur un Bac pro en Logistique puis un DUT de communication. Et quelques années où il enchaine des contrats courts, comme beaucoup de jeunes de cette génération précarisée.
Dont un mois à travailler chez un caviste. Qui lui ouvre les yeux : « Le vin jusqu’ici c’était un truc de grand », explique t’il. Ce qui résume en effet une des vraies difficultés rencontrées par la profession. Pas évident en effet pour un jeune de 3ème de faire son stage chez un caviste et encore moins de se projeter dans le métier de caviste en tant que projet de vie.
Mais cette fois l’expérience déclenche un vrai intérêt qui conduit Marc, la vingtaine cette fois bien passée, à trouver une formation en adéquation : ce sera le Certificat de Spécialisation (CS) en Commerce des vins, diplôme pour adulte en reconversion dispensé au lycée viticole de Montreuil-Bellay.
En 7 mois il est sensibilisé à la culture de la vigne et aux techniques de vinification, reçoit des cours de formation à la vente qu’il juge avec le recul « très complets », visite des salons professionnels, suit trois stages en entreprises devant permettre chacun d’explorer un champ différent du métier, dont un stage d’un mois à réaliser chez un caviste au moment de Noel, une action de vente, etc.
Si avec le recul il reconnait quelques compétences à améliorer en comptabilité (tout en avouant ne pas s’être passionné par le sujet durant la formation) il apprécie d’avoir été confronté à la réalité du terrain plutôt qu’enfermé dans des approches théoriques. Et le tout lui permet aujourd’hui d’incarner une nouvelle et jeune génération de caviste (moins de 30 ans), complètement légitime et resté solide, malgré la difficulté de la période pour les commerçants de quartier des petites villes.
On ne nait en effet pas forcément caviste mais on peut le devenir
C’est aussi le témoignage de Léa Perret, 25 ans et déjà responsable de cave chez Nicolas à Lyon. Cherchant la voie qui lui correspondait après le Bac, elle s’était d’abord essayée en fac de Droit pour bifurquer rapidement vers un BTS de Management des unités commerciales (muc), plus accessible à ses finances que la formation Vins et Spiritueux de Suze la Rousse. Elle y développe un cursus de vente en magasin spécialisé, qu’elle concrétise par un stage chez Nicolas. S’en suit une autre expérience professionnelle chez un caviste. Puis un autre diplôme d’université (DU) Vins, Culture et œnotourisme pour « se rassurer » en renforçant sa culture générale et « se crédibiliser face aux clients ». Et son entrée pour de bon en 2011 au sein de la grande maison où elle rejoint le parcours interne de formation (de maitre-caviste). Très humblement, elle qui n’était pas du milieu recommanderait aux futurs cavistes de certes bien approfondir leurs connaissances en œnologie mais de beaucoup travailler aussi la comptabilité afin de comprendre, avant d’y être confrontés en réel, l’importance de savoir gérer sa trésorerie, suggérant à partir d’un modèle de base qui aiderait à se rendre compte de l’importance de raisonner en termes d’anticipation.
Des nouveaux acteurs qui se positionnent
L’attractivité du métier permet l’émergence de nouvelles formations, dans le cadre d’organismes le plus souvent privés ou bien gérés par des institutions consulaires.
Les écoles hotellières, du fait des cursus de sommellerie, sont les portes d’entrée a priori les plus directes pour devenir Caviste. Celle de Vannes avait été l’une des premières à mettre en place une « vraie » formation Cavistes, pilotée par la FNCI de l’époque. Mais elle s’est avec le temps renfermée sur sa zone de proximité.
Cependant, la démarche essaime. Ainsi, Sylvain Elyes, le responsable formateur de Vannes a récemment rejoint l’équipe de formation mise en place par les frères Jeuland, cavistes rennais qui au sein de leur CFA, proposent des formations Cavistes, en plein essor.
Ils se sont également connectés, en tant que partenaires, à la démarche menée par Franck Thomas sur tout le territoire, MOF et ex-meilleur Sommelier, qui annonce former ainsi chaque année dans ses différentes antennes environ 150 apprenants dont une grosse moitié de cavistes (dont 65% auraient entre 22 et 27 ans). Le développement de l’activité de formation de cet ex-restaurateur qui a lancé ses premières formations depuis 2007 et s’est progressivement spécialisé dans cette activité, au point de quitter son propre restaurant, répond très logiquement au besoin de formations réellement professionnalisantes des cavistes.
Avec les années, l’entrepreneur a développé de plus en plus de formations longues, dédiées au monde du vin, reconnues depuis 2016 par la RNCP. Il a consolidé son positionnement à l’occasion de la réforme de la formation professionnelle en 2018. Et c’est aussi à cette période qu’il se rapproche du groupe Marie-Claire (notamment Cuisine et vins de France et la RVF) en plein développement de son « pôle éducation » avec Marie-Claire Academy. Le réseau dirige actuellement sept CFA en propre et quatre en partenariat avec une école présente à Nantes, Bordeaux et Lyon, et travaille sous des formes se rapprochant de la franchise avec différents intervenants sur tout le territoire.
Selon son concepteur, la formation de Sommelier-caviste ambassadeur en gastronomie est basée sur cinq pôles de compétences (dont 5 jours dans le cursus spécifique aux cavistes sur la gestion-comptabilité-création de marges etc) et revendique un apprentissage basé sur le sensible, le plaisir, l’émotionnel plutôt que sur l’académique purement viticole.
Le CQP, seul diplôme officiel reconnu par la branche
Différents signaux semblent indiquer que la coexistence entre les modèles économiques qui commercialisent des formations cavistes suscite une réelle montée en qualité de ces différentes formules.
Le Certificat de Qualité Professionnel (CQP) de Vendeur-Conseil Caviste est a priori pour l’instant le seul diplôme reconnu sur le plan national. Créé et délivré par une ou plusieurs commissions paritaires nationales de l’emploi (CPNE) de branche professionnelle, ce certificat permet de faire reconnaître les compétences et savoir-faire nécessaires à l’exercice d’un métier.
La reconnaissance prochaine du Syndicat des Cavistes Professionnels comme organisation professionnelle représentative au sein de la branche lui donnera davantage de possibilité de piloter ce diplôme professionnel par ailleurs déjà considéré au niveau de la convention collective fruits et légumes, épicerie et produits laitiers (IDCC 1505). A noter que cette branche est en cours de refonte ; les entreprises du commerce spécialisé ressortissant de la branche (fromagers-épiceries fines-primeurs-cavistes y compris pour les 3 premiers pour les non-sédentaires) quittent les entreprises du commerce de proximité des enseignes GD et généralistes pour se retrouver au sein de la branche des Métiers du Commerce alimentaire de détail spécialisés… avant un jour de fusionner les conventions collectives des autres formes de commerces alimentaires spécialisés.
Voir la liste réactualisée des Centres de formation qui dispensent la formation CQP sur le site du SCP (trois nouveaux centres de formation se sont récemment ouverts, permettant une diffusion plus large sur le territoire).
Présents à Paris et aussi à Toulouse, l’ifopca est justement un organisme créé et piloté directement par les organisations professionnelles (OP) de la branche (en l’occurrence côté patronal, les organisations représentants les fromagers et les épiciers, résultant de la défunte Fédération Nationale de l’Epicerie, cavistes et Commerce Bio, en).
L’organisme de formation situé dans le 18ème met en pratique la politique de formation souhaitée par les OP. Selon M. Stéphane Leflao, responsable du CQP vendeur-Conseil Caviste, 2020 a été une année étonnamment bonne en termes de recrutement d’apprentis et de patrons et il annonce l’ouverture d’une troisième session ces prochaines semaines pour compléter les deux premières largement complètes (environ 15 apprentis à chaque fois, auxquels s’ajoute une dizaine de candidats sur Toulouse). Des personnes en reconversion, âgées de 22 à 45 ans (avec néanmoins davantage de jeunes adultes cette année selon le responsable de la formation), de niveau bac + 2/3 ; et des cavistes employeurs la plupart du temps indépendants mais également des réseaux de cavistes, comme La Vignery, Intercaves ou même Nysa. La formation impliquant trois jours de présence au centre tous les 15 jours (mardi-mercredi-jeudi), elle permet donc aux apprentis de passer le reste du temps (dont WE) en boutique, ce qui facilite des stages réalisés hors région parisienne et des cavistes employeurs situés parfois en province (Haute-Normandie, Nantes, …). Et d’être à l’écoute des besoins de compétences exprimés par les cavistes.
Des nouvelles compétences à intégrer
Le métier n’a de cesse de changer en effet. C’est ce qui fait sa résilience, l’agilité de ce tissu de petites voire toutes petites entreprises dépend de la sensibilité très forte et l’hyper réactivité de ces entrepreneurs. Les cavistes « sentent » en effet les évolutions de société, ce qui les rends particulièrement prescripteurs car ils interviennent sur la sélection de produits originaux, rares, innovants, sur laquelle ils font leur différence et leur valorisation.
Mais ce champ d’expertise n’est pas tout surtout à une époque où les concurrences sont aussi développées et observatrices elles-mêmes, que ce soit la grande distribution qui détourne le nom de caviste pour désigner les responsables de ses rayons vins ou les sites de E-commerce qui valorisent leur catalogue à distance. Identifier et valoriser sa différence, c’est l’éternelle nécessité du commerçant spécialisé.
C’est bien ce que met en œuvre le champion 2020 : Matthieu Potin reconnait des besoins complémentaires de connaissances opérationnelles sur la maitrise des outils informatiques et de gestion et sur leur bon usage pour piloter l’entreprise et d’y ajouter tout un pan de « culture du commerce » qui manque à la profession, de formation à la vente, mise en rayon, merchandising, etc.
« Les compétences en matière de techniques de vente deviennent nécessaires, corrobore P Jourdain, qui se rappelle l’époque où, coprésident de la Fédération nationale des Cavistes Indépendants alors à la croisée des chemins, certains cavistes indépendants, défaitistes, se pensaient condamnés par l’arrivée d’internet … alors que, lui, rappelait la force de la relation humaine directe et de proximité qui prime sur le simple catalogue de produits, quelle que soit la réalité et la qualité de la sélection qui a été faite en amont.
L’époque actuelle confirme sa vision.
Il est aujourd’hui Président du Syndicat des Cavistes Professionnels et sa réflexion aujourd’hui, toujours soucieux de préparer l’avenir de sa profession qu’il adore, le conduit à constater le rôle montant des techniques de vente qui requièrent de vraies compétences et savoir-faire pour, dans les boutiques, savoir définir les bons arrangements des rayons, la mise en scène des gammes, etc. Des réflexions sur la forme de la vente complémentaires qui doivent s’ajouter à celles requises concernant le produit en lui-même.
Le commerçant spécialisé doit en effet transformer en atout ce qui de prime abord est une faiblesse par rapport aux commerces généralistes qui permettent au client d’optimiser son temps et de faire « tout d’un coup ». L’acte d’achat chez un caviste doit donc prendre le contrepied, ne pas se cantonner à la résolution d’un projet d’achat défini et faisant l’objet d’arbitrage en termes de temps (la variable qui manque à beaucoup de consommateurs).
Ce doit être un moment différent, mais néanmoins efficace, qui fait plaisir, grâce au caviste lui-même qui donne de la valeur au moment passé pour acheter la cuvée, et qui permette à la boutique de rayonner donc de transformer en attractivité pour le point de vente.
Savoir tirer parti des nouveaux modèles
Bien que très éloigné de la nervosité du marché parisien et de ces tendances éphémères, grâce au recul dont il dispose depuis qu’il a lui-même repris le métier il y a 35 ans, P Jourdain reconnait le rôle croissant des communications en ligne et autres évolutions des techniques de vente que le caviste seul dans sa boutique et qui s’est auto-formé à partir de certitudes d’un autre temps peine parfois à regarder en face. « Alors que les différents modèles proposés par les regroupements de cavistes, réseaux ou franchises, apportent grâce à leurs fonctions supports mutualisées des solutions parfois effectivement efficaces, et devenus nécessaires, pour concevoir les bons agencements et merchandising, la gestion des sites virtuels et physiques et des stocks associés ».
Ces réflexions, elles lui ont été inspirées par la rencontre de cavistes d’autres horizons via le SCP. Car la meilleure formation reste la rencontre et l’ouverture aux autres, afin d’éviter des entre-soi toujours appauvrissants.
Il faut aujourd’hui apporter à ces nouveaux cavistes les compétences qui les armeront pour continuer d’exister dans le marché de demain et éviter ainsi des loupés dommageables. Le renouvellement des générations à venir va en effet impliquer des transmissions qu’il vaudrait mieux dans l’absolu réussir dans la continuité des établissements existants. Car aux yeux des consommateurs, c’est le lieu qui fait le caviste, et il vaudrait mieux confirmer la visibilité du point de vente caviste quand il est bien situé pour continuer de l’installer dans les esprits des consommateurs. La confiance est une valeur essentielle.
Faciliter des réorientations professionnelles nécessaires
La relation au client dans un commerce de proximité est celle d’un métier de service. L’époque n’est plus adaptée au caviste ronchon qui certes maitrise sur le bout des doigts la géographie des terroirs et climats et qui a un cœur d’or « quand on le connait ».
Aujourd’hui, face à l’agressivité de la concurrence et à l’impudeur des réseaux sociaux, le premier contact doit être immédiatement positif. Et digne des valeurs et codes culturels qui font la valeur des arts de vivre qu’accompagnent nos produits.
La covid, en fermant les établissements CHR, a plongé dans le désarroi de nombreux saisonniers ou jeunes en apprentissage a priori sensibilisés aux savoir-être qu’il convient quand même de déployer dans l’univers Caviste. Les apprentis du CHR, faute de pouvoir mettre en pratique leurs connaissances acquises à l’école dans les établissements en fermeture administrative, sont cependant autorisés à réaliser un ou des stages gratuits de 3 semaines leur permettant de conserver leur motivation et de donner un coup de main.
Soutenons-les en leur ouvrant des portes qu’ils n’auraient peut-être pas ouvertes, fautes de cultures familiales pour les y sensibiliser. Se rapprocher du CFA (voir le descriptif du dispositif – fev2021). Susciter des révélations et éclairer des jeunes qui n’ont peut-être parfois pas encore trouvé leur voie, cela augure forcément des grands moments de partages et de transmission.
Deux autres dispositifs s’offrent aussi aux cavistes désireux de recruter des jeunes :
- aide à l’embauche des jeunes (AEJ), qui a été prolongée jusqu’au 31 mai 2021 dans la limite de 1,6 Smic ;
- l’aide exceptionnelle pour l’alternance a été aussi prolongée jusqu’au 31 décembre 2021. Cette aide va de 5 000 euros pour l’embauche de tout alternant de moins de 18 ans – en contrat d’apprentissage ou en contrat de professionnalisation – à 8 000 euros pour l’embauche d’un alternant de plus de 18 ans. Ce prolongement s’effectue dans des conditions inchangées à celles proposées initialement, pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille et ce jusqu’au niveau bac+5.
Ouvrir des perspectives aux scolaires
Enfin, l’étape supplémentaire serait d’apporter aux scolaires un parcours clair permettant d’embrasser la profession.
Les représentants du SCP ont été interrogés par le Délégué interministériel à l’apprentissage et son équipe, soucieux de trouver auprès des différentes représentations professionnelles les moyens et débouchés permettant de former et recruter ces millions de jeunes mis sur le côté pour cause de covid.
Ils ont plaidé la cause de la profession trop souvent privée de visibilité auprès des jeunes en quête de perspectives professionnelles et d’avenir, pénalisés par l’image renvoyés en tant que métier lié à l’alcool, l’autocensure étant très en vigueur au sein du monde éducatif (ainsi que dans les médias ces dernières années). Mais le fait est que les jeunes semblaient peu attirés par les métiers du petit commerce. Une tendance que la crise sanitaire remet peut-être en cause ? Mais ce qui est aussi sûr c’est que la profession souffre de l’absence de diplômes de l’éducation nationale qui permettent de dispenser des formations professionnalisantes à des futurs cavistes sur tout le territoire, un manque considéré en effet comme dommageable par le représentant de l’état découvrant sincèrement à cette occasion la dimension « noble » de ce métier et son rôle pour faire rayonner les savoir-faire français … y compris à l’international.
Une réflexion est donc ouverte pour imaginer, un jour (qui sait ?) un (ou des ?) futurs diplômes de Cavistes (niveau Bac Pro, BTS, … ?) qui permettent d’accueillir des profils plus larges et plus en accord avec ceux qui seront aussi les consommateurs de Demain.
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